maison Lorraine (en 9 cases)

Ishrann Silgidjian

PM
Pays
France
Année
2020
Format de projection
Numérique
Durée
21'20
Diffusé dans Compétition #1.

Synopsis

D’un carnet de dessins en la maison de Gabriel à l’extinction de la sidérurgie en Lorraine, une promenade au commencement d’un jeu de l’oie.

Texte du comité de sélection

Avec maison Lorraine, le cinéaste français Ishrann Silgidjian présente neuf des soixante-trois cases de son projet en cours, un film sous forme de jeu de l’oie, où l’exploration des espaces est questionnée et présentée selon plusieurs modalités et situations.

– S.M.

Note d'intention

UN PÈRE
Gabriel, peintre et dessinateur, professeur de photographie et de dessin (notamment Beaux-Arts de Metz) naît aux Lilas à la fin de la seconde guerre mondiale, de parents arméniens immigrés en France suite au génocide de 1915. Après avoir connu 68 dans les rues de Paris, il quitte la capitale pour s’installer en Lorraine, rénovant durant 40 ans une maison, partie intégrante de son oeuvre plastique. Imprégné de culture chrétienne, fasciné par le jazz puis par la musique répétitive américaine, sa quête de spiritualité le conduit aux pensées et aux esthétiques de l’Extrême-Orient.


LE JEU DE L’OIE
Juste avant de mourir, il faisait travailler ses étudiants à la création des 63 cases d’un jeu de l’Oie, tandis que lui, en fabriquait le dé. Le nombre 63 se subdivise en 7 séries de 9 cases, chaque série représente un espace géographique traversé en acte ou en pensée par mon père, du plus intime, la maison, à la terre d’origine, adorée et fantasmé, l’Arménie, en passant par l’Amérique et la Chine. La 9e case de chaque série est une oie, cette oie, c’est moi.

TRAVAIL DE LA MINIATURE / TRAVAIL DE LA SÉRIE
Chacune des cases sera une sorte de miniature, pouvant donner lieu à film en soit. En sens inverse chaque film est condensé afin de s’inscrire dans une série. Il s’agit d’explorer à la fois une facette de mon père (resté une énigme pour moi), ainsi qu’un élément de langage cinématographique. Un voyage initiatique, où je chemine tout autant à la découverte des questions qui agitèrent mon père, que de ce langage relativement nouveau qu’est le cinéma.

UN FILM NON LINÉAIRE
Plus qu’une histoire, c’est un portrait plastique, situé davantage du côté de la sculpture que de la peinture : portrait dans l’espace autour duquel on pourrait tourner. Chaque case serait alors une facette plane de cet objet pluridimensionnel. Ces miniatures fragmentaires, en s’assemblant et se combinant dans des rapports d’attraction, de répulsion, de complémentarité ou d’hétérogénéité, en viendraient à s’agréger pour s’élever et former un volume. Mais cette conception spatiale vient se heurter à la forme linéaire, dans le temps, de l’objet cinématographique, objet dont on ne fait pas le tour à son gré mais qui se déroule sous nos yeux de son début à sa fin.
Cette question du passage d’un médium à l’autre, des arts plastiques au cinéma, incarne alors le passage d’une génération à l’autre, celle de mon père à la mienne.

UN JEU POUR FAIRE MONDE
Au delà du portrait d’un homme, c’est un monde qui m’a été transmis que j’essaie de venir habiter.

FCDEP

Pouvez-vous un peu nous expliquer le projet du jeu de l’oie ?

Ishrann Silgidjian

Au départ, j’ai eu envie de faire le portrait d’un homme, Gabriel, un proche disparu, qui reste pour moi une sorte d’énigme. M’interrogeant sur la question du portrait cinématographique, il m’est vite apparu que ce ne pouvait être un objet tout à fait linéaire mais qu’il s’agissait plutôt d’explorer différentes facettes d’un même personnage. D’autre part, l’un des derniers projets de Gabriel, peintre et dessinateur, portait sur le jeu de l’oie. En croisant ces deux éléments il m’est apparu que ce jeu pouvait servir de structure à mon portrait, chaque case incarnant une facette du personnage.

FCDEP

L’année dernière nous en avions projeté une case, et c’est la première fois que nous assistons à un tel assemblage. 

Ishrann Silgidjian

C’est un travail de longue haleine qui mêle différentes échelles de temps.

Temps de fabrication : chaque case me prend entre 6 mois et 2 ans de travail, l’ensemble du projet devrait me prendre une dizaine d’année.

Durée des objets fabriqués : si chaque case dure entre 2 et 10 minutes, l’ensemble mis bout à bout représentera plusieurs heures de film. Et il est possible d’imaginer une multitude d’assemblages intermédiaires de durée variables.

L’an dernier, l’envie de soumettre quelque chose de ce projet naissant au FCDEP avait été un moteur pour finaliser une première case Hôtel (case numéro 19). Lors de cette expérience très enthousiasmante de partage avec un public, il m’avait semblé qu’il manquait un aspect essentiel du projet, celui de l’hétérogénéité entre les cases, relative au “portrait facette” envisagé. Cela m’a donné envie cette année de réfléchir à un assemblage, même si je n’ai encore qu’assez peu de cases à disposition (une douzaine), pour explorer ce qui se crée dans la juxtaposition de ces différentes formes courtes.

FCDEP

Quelles nouvelles cases êtes-vous en train de préparer ?

Ishrann Silgidjian

Les cases en cours sont à différents degrés d’avancement. Pour certaines il faut encore retravailler le montage (affiche, espace public), faire du bruitage (cafés), quelques-unes sont en tournage (pont, terrain vague), beaucoup d’autres en « écriture ». Dans le sens de l’exploration des formes cinématographiques, j’envisage de développer de courtes fictions. Notamment pour la case « mai 68 », où je souhaite montrer le quotidien d’une famille traversant l’année 1968, sous la forme d’un huis-clos.

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