Diffusé dans Compétition #2.
Synopsis
Depuis dix ans, Ivan Cardoso s’est éloigné du cinéma traditionnel afin de travailler et d’intervenir directement sur de la pellicule 35 mm. En grattant, dessinant, perçant, tachant et même effaçant l’image avec de l’acide. Il développe ainsi diverses techniques et façons de faire qui sont traditionnellement interdites par les manuels de cinéma.
Texte du comité de sélection
Corman’s Eyedrops s’impose d’emblée comme une de ces rares jonctions entre un cinéma d’exploitation fauché et un cinéma expérimental fauché. Ivan Cardoso représente parfaitement ce point d’accroche entre ces deux cinémas : après avoir réalisés de courts films en Super 8 d’inspiration horrifique mais employant quelques motifs expérimentaux (cinéma camp particulièrement), puis après être passé au long-métrage d’exploitation d’horreur comique (le genre terrir), Ivan Cardoso découvre au milieu des années 2000 le grattage sur pellicule, technique quasi folklorique du cinéma expérimental, sans qu’il ne soit tellement au courant des films lettristes qui usaient abondamment du grattage dans leurs films. Il commence alors à rayer une partie des films qu’il avait chez lui : ses propres films d’abord, puis ceux des autres, comme ceux de José Mojica Marins, décédé récemment et grande figure du cinéma de genre brésilien. D’une technique exemplaire, rappelant les premiers films de Claude Duty (le cinéaste derrière la séquence finale d’Irma Vep d’Olivier Assayas), il s’empare avec beaucoup d’énergie et de joie de ces bouts de pellicule, qu’il va par moments détourner de façon comique, ou bien accentuer graphiquement en se concentrant sur certaines parties de l’image. Puis, il garde soigneusement ces rushes grattés, sans pour autant en faire un film qu’il aurait pu diffuser dans le circuit « expérimental ». Gurcius Gewdner, un jeune cinéaste brésilien qui se situe dans une mouvance semblable à celle d’Ivan Cardoso, va alors lui proposer de monter ces bouts de films, en les mêlant à une légère trame narrative impliquant Roger Corman et Cardoso lui-même, mais témoignant aussi d’un amour sans bornes envers un cinéma fauché, qu’il soit expérimental ou d’exploitation. Gewdner ajoute alors toute une bande son particulièrement nerveuse et dansante qui s’imbriquent de manière surprenante avec la valse des rayures qui ont lieu à l’écran, donnant alors lieu à un des « films de grattage » les plus survoltés jamais vu !
– T.D.