The devil in the details

Wang Yuyan

Pays
Chine
Année
2020
Format de projection
Numérique
Durée
4'15
Diffusé dans Compétition #3.

Synopsis

Organes de préhension, liées intimement à l’action, les mains serrent, tremblent, agrippent ou arrachent dans une ronde infinie d’attitudes expressives extraites de leurs contextes. Ce bréviaire hypnotique rappelle alors en creux que les mains ne sauraient rester inertes et qu’elles peuvent agir sans le contrôle de celui à qui elles appartiennent.

Texte du comité de sélection

Found-footage hypnotique, dans The Devil in The Details des plans serrés de mains s’enchaînent sur une composition de Steve Reich, Clapping music. Par la répétition du modèle, chaque nouveau détail génère une nouvelle manière de percevoir le geste. Minimalisme ici dans la forme, ce ne sont plus des mains que nous observons mais des signes. Le travail de Wang Yuyan va dans ce sens : le geste comme un prétexte, comment à partir de formes pré-existantes aller vers l’abstraction.

– R.G.

FCDEP

Quel est le point de départ de votre film ? Et pouvez-vous revenir sur son nom ? 

Wang Yuyan

Mû par l’envie d’utiliser le temps que j’ai passé à regarder des films d’horreur depuis mon adolescence, ce projet m’a permis de revisiter ces films sous un angle légèrement différent. Comme le suggèrent les récits d’horreur, ce que font les mains renvoient souvent à des éléments mystérieux cachés dans les détails. 

Dans les films de zombies, les créatures marchent avec les mains tendues en avant, non pas pour suggérer un problème de vue mais, au contraire, dans un but précis. Nos mains nous servent. Elles sont l’instrument de l’action exécutive qui nous permet de manipuler le monde et de réaliser nos désirs. Pourtant, dans d’autres scénarios, nos mains sont précisément ce qui désobéit, incarne la volonté d’un autre moi-même, peut-être celle d’un esprit ou d’une présence étrangère. Ce récit des mains révèle le diable qui se cache derrière ces images. Il s’agit d’une dépendance à l’autonomie : l’illusion que nous pouvons être pleinement maîtres de nous-mêmes.

FCDEP

Combien de temps vous a-t-il fallu pour réaliser votre film ? Combien de films avez-vous vus pour réaliser ce mélange d’images ?

Wang Yuyan

Il m’a fallu trois mois pour rassembler les images et les classer. Le film compte environ trois cents films d’horreur.

FCDEP

À partir de la main, votre film présente une nouvelle histoire du cinéma. Jean-Luc Godard dit dans son dernier film Le Livre d’Image : “la vraie condition de l’homme est de penser avec ses mains”. Pensez-vous que votre film est une tentative de matérialiser des pensées ?

Wang Yuyan

Si la façon dont nous utilisons nos mains change, il n’est pas nouveau que nous devions les occuper. Nous avons toujours gardé nos mains occupées. Nous pouvons réfléchir aux raisons de cette étrange nécessité. Quels sont les dangers des mains oisives ? Quelle est la fonction réelle d’une activité manuelle incessante ? Quel rôle les mains jouent-elles dans nos pensées ? Quels sont les liens entre nos mains et notre désir ? Et que se passe-t-il lorsque l’on nous empêche d’utiliser nos mains ? Les déclarations anxieuses, irritables et même désespérées que nous pourrions connaître montrent que garder les mains occupées n’est pas une question de fantaisie ou de loisir mais touche à quelque chose au cœur même de notre existence incarnée. Utiliser nos mains pour fabriquer des choses est censé aller à l’encontre de l’univers dématérialisé que nous habitons par ailleurs, un reste ou une nouvelle efflorescence de l’ancrage, des techniques corporelles satisfaisantes du passé. Le langage, comme nous l’avons vu, doit être incarné, et l’omniprésence du monde exige que nos mains restent occupées à transformer ce mot en chair.

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