Diffusé dans Compétition #3.
Synopsis
Déambuler à travers les rues et les habitations en ruine de Belchite et de Corbera d’Ebre ressemble à un voyage dans le temps en 1937 et 1938, lorsque l’aviation allemande et l’artillerie de Franco ont détruit ces lieux. Aujourd’hui, ces villes sont des témoignages muets de la violence qui s’est déployée lors de la guerre civile espagnole.
Texte du comité de sélection
Le dispositif est simple et le message puissant. Juana Robles utilise une pellicule super 8 noir et blanc et filme une ville en ruine. Des sons bouclés de bombardements se font entendre, et des voix s’élèvent. C’est un film pictural qui témoigne d’un temps nouveau, d’une mémoire intemporelle.
– R.G.
Pouvez-vous revenir sur la genèse de votre projet ?
J’ai une grande fascination pour les endroits où le temps semble s’être arrêté. Comme les ruines, les lieux abandonnés ou les maisons de personnes atteintes du syndrome de Diogène. Je les documente impulsivement. Dans ce cas, ces ruines rendent visible une vieille blessure, que nous voyons se rouvrir dans les conflits politiques et culturels actuels au sein du mouvement indépendentiste Catalan. La vieille ville de Corbera d’Ebre se trouve à 3 km de ma maison familiale à Gandesa. La région autour de l’Ebre a été un point de résistance crucial pendant la Guerre Civile espagnole. Elle fait partie de l’histoire de ma famille.
Mais le film n’était pas prévu. Ce jour-là, j’avais ma caméra Super 8 avec moi. J’ai vécu et capturé ces lieux en regardant à travers la caméra. Je n’avais que peu de temps, ce qui a rendu l’expérience très intense et surréaliste. Le montage, le choix du son et du titre en ont fait un film spécifique.
A travers le motif de la ruine, votre film propose un discours sur le temps. Pourquoi avez-vous pensé que l’utilisation du film vous semblait pertinente pour mettre en images ce discours ?
Le film a été tourné avec une caméra Super 8 sur des pellicules inversible en noir et blanc. J’utilise toujours la pellicule pour mes projets. C’est en raison de la richesse visuelle et des propriétés exceptionnelles de ce matériau. Je crois qu’elle capture et révèle n’importe quel sujet plus beau et plus intense que tout autre support numérique. Le processus de tournage me semble plus proche de l’écriture manuscrite, alors que je comparerais plutôt le tournage numérique à la dactylographie. Je pense que le numérique n’est pas seulement un développement technologique de la pellicule analogique. Personnellement, je le considère comme un support différent, nouveau, moins cher et plus rapide.
Combien de temps a pris la réalisation de Y Un Gato De Porcelana ?
J’ai filmé pendant une heure et demi. Le développement de la pellicule et sa numérisation ont pris environ trois mois. Enfin, le montage n’a duré qu’un ou deux jours. J’ai une formation en peinture et j’aime particulièrement la philosophie de l’art zen où une esquisse à la même valeur qu’une peinture à l’huile laborieuse. Le nom croquis ou son concept n’existent même pas. L’un est une peinture réalisée en 5 minutes et l’autre en 180 heures. Chaque trait est précieux et est réalisé de manière concentrée. Il faut parfois toute une vie pour dessiner un cercle parfait en quatre secondes.