La forêt

Lo Thivolle et Ouahib Mortada

Pays
France
Année
2020
Format de projection
Numérique
Durée
16'
Diffusé dans Compétition #4.

Synopsis

A Oujda, il y a une forêt peuplée de Migrant
Dans cette forêt nous tentons la rencontre
Dans l’obscurité, ce sont nos ombres que nous croisons.

Texte du comité de sélection

Ce pourrait être l’histoire d’une rencontre ratée
Ou bien celle de cinéastes qui n’arrivent pas à trouver des gens pour leur film
Ou un meta-film sur les problématiques de rémunération au cinéma et particulièrement dans le documentaire
Ou encore un film sur l’argent, sur la parole comme capital, comme bien que l’on échange comme n’importe quel autre bien, sur la rencontre entre deux milieux qu’a priori tout éloigne, sur le sentiment de non-appartenance à un groupe social dont on ne peut toutefois totalement s’extirper

C’est aussi un film sur la culpabilité, la sincérité, le contact, l’amitié, sur l’anglais baragouiné comme seule langue possible pour se parler entre les frontières

– T.D.

FCDEP

Quel est le point de départ de votre film ? Qu’est-ce qui vous a mené à le réaliser ?

Lo Thivolle

Il y a d’abord eu une curiosité, une colère, une culpabilité. Ensuite, Nous étions, moi et Ouahib partis pour prendre du son dans le village où Ouahib à grandit, Jerada au Maroc, afin d’avancer dans la fabrication du film Mineurs que nous venons de terminer. Durant ce voyage nous avons fait halte à la faculté de Oujda là où Ouahib avait fait ses études supérieures. À côté de cette faculté, nous avons vu ces tentes dans la forêt, nous avions croisé de nombreux jeunes qui attendaient et cherchaient avec d’autres Marocains, des solutions pour leurs avenirs. Nous avons eu l’envie d’aller voir cette forêt. Ce qui s’y passait. Ce qui pourrait s’y passer si nous y allons.

Ouahib Mortada

Le film La forêt a été tournée en 2011 sur ces collines forestières de Sidi Mâfa (qui portent le nom d’un Marabout guérisseur) au nord d’Oujda ville frontalière entre le Maroc et l’Algérie voisine. Le titre a été longtemps le point central des discussions entre moi et Lo au sujet de ce que l’on a vécu ensemble sur ces lieux avec les migrants africains réfugiés à cet endroit. Au-delà de la frustration de tout ce que nous n’avons pas pu filmer avec eux durant notre court séjour. Le temps a fait son œuvre ! Après l’abattage médiatique récent que le monde entier a vu et entendu sur ce qu’en France la “Jungle” de Calais a laissé voir et entendre, je pense finalement que dans son titre La Forêt, ce film porte une manière de voir la question des migrants ou qu’ils soient sous une autre visière… Un jour, quelqu’un m’avait dit comme dans un conte “Nous autres humains, sommes comme les fourmis. Y en a qui cherchent, et y en a qui creusent…” je voulais simplement montrer à mon ami Lo ceux qui cherchent…

FCDEP

Quel matériel avez-vous utilisé pour sa réalisation ? Et quel a été votre processus de création ? A-t-il évolué en cours de tournage, étant donné que vous n’ayez pas pu filmer vos discussions avec les migrants ? 

Lo Thivolle

Nous avons tourné en super 8 couleurs. Je faisais l’image et Ouahib le son. Nous avions déjà utilisé ce mode de travail sur un film réalisé précédemment Le Mirage et la pierre. Cette forme nous convient bien. Elle permet de maintenir notre manière différente d’habiter le monde et de faire du cinéma. Elle permet de la faire exister librement, car nous pouvons nous perdre, nous égarer l’un vis-à-vis de l’autre. Comme nous pouvons aussi nous cogner, chacun avec son outil. Le montage venant finaliser ce chemin en tentant de faire se rejoindre tout cela. Nous ne savions pas au départ ce que nous désirions faire, à part tenter la rencontre et documenter cette dernière. Chaque jour était un inconnu. Une porte s’ouvrait et une autre se fermait. Parfois on tentait de forcer, et d’autre fois, on prenait un autre chemin. Nous n’avons pas voulu forcément faire des entretiens, disons que nous avions envie d’avoir une parole. Elle ne nous était pas donnée, nous avons tenté de la prendre. Vers la fin, Christopher nous en donne une.

Ouahib Mortada

Au-delà de la simplicité du matériel léger avec lequel a été tourné ce film et le peu de moyens dont on disposait, c’est le temps qui a décidé pour nous et l’on a bien pris soin de le respecter. Surtout que c’est l’inconnue qui est rarement prise en compte dans tout ce que l’on entreprend dans notre quotidien ici.

FCDEP

En finalité, combien de temps a pris l’élaboration de La Forêt ?

Lo Thivolle

Nous avons tourné sur 5 jours. Le montage, qui a été fait plusieurs années plus tard, faute de temps et d’argent, a duré deux fois une semaine.

Ouahib Mortada

Voilà ce qui est dit par Lo, peu importe les conditions, les moyens, les aléas, les si et les la… Provoquer une rencontre est une chose facile. Subir ses conséquences c’est une autre histoire… La finalité de faire du cinéma c’est voir n’est-ce pas ? Alors pour vraiment voir et donner à voir, il faut savoir vivre ; subir et résister à cet ingrédient miracle : le temps  !

Chargement