A Moving Image

Viviane Vagh

Pays
France
Année
2020
Format de projection
Numérique
Durée
4'40
Diffusé dans Compétition #6.

Synopsis

 

Une seule image en mouvement, un bateau passe devant le soleil qui se couche en hiver dans les vagues de la mer Baltique qui entourent l’île de Gotland. Caméra à la main, toute l’histoire et la magie du cinéma résonne en moi devant ce spectacle métaphorique. L’émotion quand l’alchimie s’opère entre l’ombre et la lumière comme dans une salle de cinéma, où, grâce à la lumière du projecteur , la salle noire s’éclaircit avec les images du film.

Texte du comité de sélection

Une seule image en mouvement, un soleil qui se couche en hiver dans les vagues de la mer Baltique, et qui joue parfois à cache-cache avec un bateau, nourrit une réflexion sur le cinéma. « Faire un film c’est mettre le chaos en bouteille comme disait Van Gogh » entend-on ou encore « se vider de ses impressions comme un projeteur se vide de ses images ». Ici le son et l’image sont disjoints et voguent en parallèle ; il ne s’agit nullement d’annuler l’un par l’autre. Ce plan hypnotique maintient l’attention en éveil afin de recueillir les diverses formes de processus créatifs énoncés par la cinéaste : on est proche du cinéma essayiste.

– R.B.

Note de la réalisatrice

“ll est resté

Là où je l’ai vu

Puis il a bougé une fraction

À gauche puis encore deux fois

À une distance de plus en plus loin

Il a disparu

Puis juste faiblement

Un coin de celui-ci juste une fraction

Était visible si on regardait

De très près

Et puis tout aussi tranquillement

Il est parti”. (Michael Snow)

 

Je pense aussi à l’histoire du cinéma à l’intensité des premières images du cinéma, de leur mystère et de leur « révélation ». Et puis en faisant mon film pendant le premier confinement vécu je note…

Je me souviens des films de Michael Snow et de sa philosophie du cinéma en regardant les images que j’avais filmées d’un bateau passant devant un soleil couchant sur l’île de Gotland il y a quelques années. Cette seule et unique image, encore et encore dans un laps de temps donné, un étirement et un rétrécissement du temps… Je pense aussi à l’histoire du cinéma à l’intensité des premières images du cinéma, de leur mystère et de leur « révélation ». (Les Frères Lumière) : une foule sortant d’une usine ou d’un train entrant dans une gare, ces images avaient le pouvoir de toute une histoire, toute une « fiction réaliste » en soi !

Capturer le temps dans une seule image en mouvement (n’est-ce pas ce dont les films sont faits : une successions d’une seule et unique [on peut réfléchir sur le jeu de mots « unique »]. C’est comme si une pièce essentielle de la vie était capturée, comme le mouvement de ce soleil couchant, avant qu’il ne disparaisse dans les vagues de la mer [en mouvement aussi !] créant la nuit avant qu’il ne se lève à nouveau apportant le jour [je pense au noir d’une salle de cinéma avant qu’un film ne soit projeté, et en le faisant, rallume en donnant vie à la salle avec les films projetés]. Se concentrer sur une image comme une méditation pour rester dans l’instant présent sans pensées, s’oublier soi-même… Une séquence, obsessionnelle/hypnotisée… comme une plongée dans le monde physique réel à travers un film (comme le soleil qui plonge dans la mer et qui suit son cours de l’autre côté de la terre pour réapparaître à l’aube d’un nouveau jour !!

Voix et image… la façon lente et hypnotique de dire le texte donne plus de poids au facteur temps qui suit la rapidité du soleil couchant, caméra à la main, en le ralentissant, pour profiter de l’esthétique et de l’émotion de ce spectacle de vie.

La musique entre le texte que je lis donne un autre rythme que le son de ma voix qui lit (mon propre texte mélangé avec des morceaux de textes de Michael Snow et une citation de Van Gogh) et étire le temps dans le temps du rêve, l’alternance rythmique de la voix et de la musique amène une perception différente des images, le soleil qui disparaîtra et le bateau passant devant le soleil disparaîtra hors du cadre, nous sommes confrontés  par deux « pertes » et 2 mystères différents…

Facteur de temps : comment mon film de 4 .7 minutes me paraît plus long ? Métaphoriquement, un coucher de soleil est aussi le symbole de la perte…. faire ce film pendant la période du confinement en mars, avril, mai 2020… (j’avais filmé ces images à peu près aux mêmes moments de l’année lorsque j’étais sur l’île de Gotland à la fin de l’hiver au début du printemps, quand le soleil met plus de temps à se coucher dans les pays du  nord de l’Europe… Une période de confinement a un effet étrange sur notre temps linéaire, nous perdons la notion d’espace-temps et du jour, nous perdons nos repères… Je suppose que c’est pareil sur une île, il y a un sentiment de confinement sur ce morceau de terre entouré par l’eau de la mer, où les vagues dans leur rythme monotone résonnent et le temps présent est le seul qui reste à contempler, comme un souffle qui amène un autre souffle dans son mouvement qui ressemble exactement au même que le précédent, ce produit un état méditatif, et le temps et l’espace, comme nous les pratiquons dans un jour « habituel » disparaissent… ainsi cette image unique prend une expression et une importance gigantesque, « capturée”  « par la caméra, pour être projetée encore et encore comme être « confiné » dans une salle de cinéma devant un film « être spectateur, réalisateur et acteur à la fois, et de s’engouffrer dans la profondeur de notre inconscient (devant les images d’un film) » comme ce soleil couchant qui disparaît dans l’océan et ce bateau qui disparaît hors du cadre…. ». (imprimé en 3, no. 4 (mars-avril 1971) du magazine « Take one »).

« Mes films sont faits pour l’attention, la contemplation, la méditation, et s’ils sont vécus de cette manière, ils peuvent très enrichissants et subtils, activant nos sens, et ces états peuvent être ressenties, alors veuillez ne pas créer une émeute avant l’entracte… ». (Michael Snow)

– Viviane Vagh

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