Diffusé dans [ANNULÉ] Compétition #8.
Synopsis
Distracted Blueberry suit un groupe d’artistes à travers une série de rencontres poétiques. Les rhétoriques masculines sont déconstruites créant un lien entre sexualité masculine et pulsion de mort. Le corps, la violence et l’humour sont compris dans le contexte plus global du néant et de l’existence, élaborant un pont entre l’angoisse et les terreurs de la nature.
Texte du comité de sélection
Cette œuvre monumentale de l’artiste et cinéaste canadien Barry Doupé se présente à nous comme une (très) longue séance de masturbation, peut-être sous psychotropes, avec tout ce qu’une telle activité soutenue pourrait induire au niveau cérébral : associations totalement improbables, dérives mentales, perte totale des repères spatio-temporels et une liberté de contenu sans bornes. Un peu comme si l’on entrait dans la Black Lodge de Twin Peaks subvertie au cartoon porn. Distracted Blueberry fait partie de ces films qui rendent compte de l’animation comme la technique cinématographique idéale afin d’expérimenter des mondes où absolument tout est possible, et où la technique n’est plus qu’un vecteur soumis à la seule liberté de l’esprit.
Plastiquement, le film se situe dans un jeu d’expérience limite avec la représentation de l’obscène, et utilise les innombrables fluides qui peuplent son film (sang, sperme, merde, pisse et bouffe) comme de véritables matériaux, qui s’étalent sur l’écran à la manière d’un dripping numérique. La mise en scène, elle, emprunte énormément à la fiction et au langage télévisuel, voire au soap opera, créant ainsi un étrange malaise chez le/la spectateur.ice : alors que ce qui apparaît à l’écran dépasse parfois l’entendement, les cadrages, mouvements de caméra, et rythme de montage concourent à rendre cette représentation intelligible, presque banalisée et parfois très drôle, créant ce que l’on pourrait considérer comme un film camp d’une nouvelle ère, intégralement numérique. Si cet emprunt à la dramaturgie télévisuelle rend le film extrêmement dynamique, celui-ci est vidé de tout contenu fictionnel qui pourrait créer un quelconque suspense ou une attente narrative : la répétition et la lenteur des gestes, ainsi que la désincarnation et l’apathie des personnages-marionnettes contribue à créer une étrange distance avec ce qui se passe à l’écran. Le film n’est pour autant jamais froid, car les corps stéréotypés qui peuplent le film nous rappellent constamment, à l’image de certains personnages de jeux vidéos, l’extrême solitude de nos existences de plus en plus numériques et désincarnées.
– T.D.
Critique
Distracted Blueberry follows a performance art band through a series of poetic encounters. Masculine tropes are undone to form a relationship between male sexuality and the human death drive. The body, violence and ribald humour are placed in the larger context of nothingness and somethingness, bridging a tension between externalized anxieties and the terrors of nature. Evocative of inner emotional states, strange landscapes existas reflections of our collective dreams and nightmares.
In the opening scene of Distracted Blueberry, which lasts a scant seven minutes, an all-male quartet plays musical instruments with their penises. The pianist cuts off half of his penis with a large knife. Blood spurts everywhere. An audience member begins to ejaculate, spontaneously, endlessly. The pianist picks up his severed cock and begins to fuck himself with it, while banging his head on the piano keyboard. The audience member crawls onstage. The pianist fucks himself with the knife. Blood is flowing, spurting. The audience member crawls away. We’re not sure if he’ s horrified or not, until he be gins ejaculating again, a fountain of cum, the semen covering his face and chest. The pianist begins to fellate the knife. The camera swirls around him as blood pours out of him, mou th, anus, dick.
Is this funny? Well, not exactly. Horrifying? No, not horrifying. Sexy? Maybe a little. Transgressive? After Distracted Blueberry, I no longer know what transgression is. Dreamlike? Yes, of course, though as the video goes on it becomes less and less like a dream and more and more like its own world.
Watching Distracted Blueberry is like being submerged into a tank and not being able to tell the temperature and salinity of the water-or whether you are even in water or some other, as yet unnamed, liquid. You are in a highly charged, yet strangely neutral, suspension. And you need to be there for the entire 4.5 hours (though it may take multiple sessions).
Affect is bracingly high: disgust, shock, laughter, beauty, suspense, titillation. At the same time, impossibly, affect is also soothingly low: distant, ambient, humming. As if Sadean transgression were presented with the inexorably meditative pace of a Morton Feldman composition. And then there’s the dialoguesometimes cryptic, often philosophically poetic, often funny, occasionally merely silly, though always beautifully written, like goofy John Ashbery shot through (much more than he already is) with the wit of Oscar Wilde.
This is what I wrote Lilli Carré a few months ago: “New Doupé! It is something else: 4.5 hours of relaxing transgressive mayhem. I’m going to try and write aboutit.” And so here is my first stab at it. I find the work enormously compelling, yet I can’t quite articulate why. Although it feels entirely Doupé, it also feels prescient. Prescient like dynamite about to blow up the dam and leave us flooded with new possibilities, drowning happily.
– Steve Reinke (Antimatter Festival catalogue, 2019)