Filmform a été créé à Stocklholm en 1950 sous le nom de Svensk Experimentfilmstudio, sous l’initiative d’un groupe d’artistes, de critiques, et de poètes qui avaient en commun leur goût pour le cinéma expérimental. Durant les trois premières années d’existence, la majorité de l’activité de la structure était consacrée à la réflexion autour du cinéma, se concrétisant en une revue irrégulière mais engagée. Puis, le groupe s’est réorganisé autour d’une structure nommée Arbetsgruppen för film, qui est passé d’une production écrite théorique à une production cinématographique. Le groupe assistait ses membres en équipement matériel, et s’aidait pour le tournage et le montage de leurs films respectifs en 16mm. Au cours des années 1960, l’association s’est transformée en fondation, et Arbetsgruppen för film est devenu Filmform au début des années 1970.
Depuis 1999, Filmform reçoit une subvention annuelle du Ministère suédois de la culture. Grâce à ce soutien, une archive a pu être constituée, ainsi qu’une nouvelle structure de distribution.
Aujourd’hui, le catalogue de distribution comprend des travaux d’artistes et cinéastes suédois importants et s’étend de 1924 à nos jours. Près de 1 000 films et vidéos sont disponibles à la location pour des projections, des expositions, et pour des recherches. Au total, les archives comprennent environ 4 000 titres visionnables dans les locaux à Stockholm.
Filmform aide les artistes à trouver des soutiens financiers et des producteurs, apporte un soutien technique à leurs productions filmiques, et surtout leur reverse des droits d’auteurs à chaque location de leur film. Bien que Filmform célèbre ses 70 ans en 2020, la lutte pour la conservation et la reconnaissance du cinéma expérimental et de l’art vidéo en Suède est toujours d’actualité, tout cela avec pour but de rendre disponibles ces œuvres singulières à de nouvelles générations. Nous tenons à remercier le Collectif Jeune Cinéma d’avoir invité Filmform à célébrer ses 70 ans par le biais de cette thématique inspirante.
Le programme proposé se veut comme le reflet de la diversité des manières qu’ont les artistes de Filmform d’utiliser la voix. Glo-babel d’Olle Hedman sert de point de départ, avec la découverte de la Tour de Babel construite par son ami Åke Karlung au Moderna Museet de Stockholm en 1977. Le film s’intéresse aux conséquences de la mondialisation et de l’impérialisme culturel américain en croissance constante.
Le mélange des langues est mis en œuvre dans la première œuvre vidéo de Teresa Wennberg, Overflow Indications. Une dispute absurde a lieu dans une galerie, tandis qu’on entend une voix nous lire un texte de théorie de l’art pour le moins abscons, le tout en passant d’une langue à une autre, en empruntant diverses manières de parler.
Dans la suite du programme, la voix devient un matériau et est utilisée comme une sorte d’instrument. Dans l’œuvre emblématique de Gunvor Nelson, My Name is Oona, la répétition de la voix de l’enfant protagoniste du film se mue en une revendication de son identité. L’aspect rythmique de la voix est encore plus présent dans le duel Christophe&Christophe d’Andreas Gedin, où deux hommes portant le même nom sont invités à inventer un nouveau mot chaque seconde, guidés par un métronome.
Que reste-t-il lorsqu’il n’y a pas ou plus de voix, ou lorsqu’une certaine langue est extraite de son contexte habituel ? Cette question sous-tend la deuxième partie du programme.
No Time to Fall de Maria Friberg, consiste en une juxtaposition de toutes les pauses et hésitations de George W. Bush lors de son premier discours sur l’état de l’Union.
Dans l’interview de Saskia Holmkvist qui joue sur plusieurs niveaux de référence, l’artiste se met elle-même en scène afin de dévoiler les stratégies néolibérales utilisées par les médias. Au sein de ce dispositif, seuls les symboles et les performances comptent ; le contenu n’a aucune importance.
Par l’utilisation du chœur d’hommes finlandais Välimiehet, chantant « Sisters Are Doin’ It for Themselves » d’Annie Lennox, les artistes Timo Menke et Nils Agdler engagent une réflexion sur la masculinité et le genre.
Le film de Marit Lindberg, Practical Chinese, révèle les multiples significations du mot chinois shí shí, induites par de très légères modifications phonétiques.
Pour conclure la séance, nous revenons au début du programme avec l’artiste Åke Karlung. Son film Homo Ludens, récemment restauré, adapte un conte par le biais de lettrages, d’animation, et d’une langue déformée. Aux premiers abords, ce qui semble être un simple conte se transforme en un rodéo cacophonique à travers l’humanité et les rapports de domination, dirigé par la voix ferme et mouvante du cinéaste lui-même.
Filmform est soutenu par le ministère de la culture par l’in- termédiaire du Comité des subventions artistiques et du Conseil suédois des arts.