‘5 Cité de la roquette’ - Le film déroule en effet un parcours hanté par des figures absentes ou distantes comme dans certaines toiles d’Edouard Hopper. Traversée d’une ville ; traversée d’un jour ; mais quête ou enquête dont l’objet resterait de part en part énigmatique. Quelle est cette figure d’abord immobile au milieu de la foule, puis, d’un pas décidé, se hâtant vers quelque destination d’elle seule connue ? Que recherche-t-elle ? Nous ne le saurons pas car ce n’est pas l’objet du film ; mais les « choses » parlent, du coup, avec une intensité accrue comme autant d’indices ou de signes vivants : fleuve, rue, escalier, porte, dans le rythme des lumières changeantes du jour qui passe ; et la lumière paraît être l’acteur principal du film, lumière d’un soleil matinal sur les quais, reflet du jour baissant dans les carreaux de l’atelier ou celui du couchant sur la ville jusqu’aux lumières mouvantes de la nuit. La musique de Ligeti s’accorde avec une troublante exactitude au jeu de ces lumières.
Une inconnue a traversé le jour, une porte a été poussée, une autre est restée close, des mains se tournent vers le ciel d’une ville anonyme. Chaque séquence de ce film paraît contenir une charge de beauté et de mystère comme un rêve éveillé que traversent toutes les lumières de l’aube à la nuit.
Dans ce film de Baba Hillman, les sensations, les objets ne servent pas de décor ou d’arrière-plan à un récit. C’est ce dernier, fragmentaire, dont l’inconnue est la figure centrale quoique distante qui se révèle être le support d’une autre intrigue : celle, sensible, dramatique, du réel lui-même.