Fluxus Replayed
de Takahiko Iimura
Une expérience cinématographique se vit dans une salle, dans le cadre dʼune projection, dira-t-on. Oui et en rejouant en lui la projection de ce film, le spectateur est appelé à réfléchir. La scène peut être le terrain de la vie et la caméra le badaud furtif. Que se passe-t-il alors ?
Un enregistrement. Takahiko Iimura crée une situation où les artistes musiciens ne sont plus appréhendés de la même manière que de coutume. Un orchestre dont les musiciens ont la tête bandée forment-ils encore un orchestre ? Takahiko Iimura se joue des conventions en y ajoutant de lʼinsolite. Il y a du ludique dans cette manière de faire mais qui ne saurait en même temps cacher une inquiétante étrangeté. Le choix de chaque objet et situation créant lʼinsolite ne sont pas gratuits : ils tendent vers un sens dont le spectateur peut en toute licence y projeter sa propre interprétation. Entre jeu et profondeur, cʼest là que Fluxus Replayed a choisi de se situer.
Tout lʼintérêt de Fluxus Replayed se trouve bel et bien dans la conception de la performance qui ne sera dorénavant plus éphémère car enregistré sur support analogique et édité maintenant en DVD. Lʼunivers créé par Takahiko Iimura mérite dʼautres prospections, dʼautres regards car il ne se dévoile pas nécessairement dans lʼimmédiateté.
The Cineseizure
de Martin Arnold
Martin Arnold travaille ici directement sur la matière pellicule, passant chaque photogramme au scalpel. Dʼune scène qui ne dure que quelques secondes, il réussit à plonger le spectateur dans les méandres de la fascination du spectateur pour le film. Il poursuit ainsi les études de ces scientifiques de la fin du XIXème siècle qui ont étudié le mouvement image par image et ont contribué sans le savoir à la conception du cinéma. Il rappelle ainsi le sens étymologique fondamental du cinéma : la captation et lʼenregistrement du mouvement. Et ainsi le mouvement fait sens. Il suffit de considérer la manière dʼentrer dʼun acteur dans un plan et les réactions que sa venue provoque dans le décor précédemment figé : une femme se met à bouger et ainsi une histoire commence.
Mais lʼhistoire avait commencé bien assez tôt. En faisant machine arrière, Martin Arnold dissèque la réalité filmique dans ses moindres détails et fait apparaître le doute, lʼincertitude dans les mouvements de ces acteurs dont lʼimage a été pour toujours figé sur photogrammes. La preuve est donc donnée que le regard scientifique porte en lui les germes de lʼélan artistique consistant à créer une histoire en donnant vie à des entités peuplant un univers.
Lʼexploration de Martin Arnold est ici surprenante : son talent se trouve dans son art du montage et son choix de scènes totalement anodines. Encore une autre manière de voir et revoir le cinéma par un cinéaste averti qui a commencé par faire une thèse de doctorat sur « Les Aspects de la segmentation dans la perception et la réception dʼun film ».
Le Lit de la vierge
de Philippe Garrel
Lʼhistoire du Christ, un peu trop proche de sa mère et trop loin de son père, qui a du mal à assumer ses devoirs, ses responsabilités quʼil nʼa pas choisies. Un film dʼépoque portant un sujet éternel, au lendemain des événements de mai 68 vite étouffés. Lʼesprit de rebellion est toujours là, et Philippe Garrel choisit dʼinterroger lʼautorité à travers la figure mythique du Christ, en grande partie responsable de ce que lʼon appelle la culture judéo-chrétienne. Cʼest une manière de revenir en quelques sortes à lʼendroit où sʼest fondé un trop lourd héritage imposé de génération en génération au fil des siècles. Pour sortir de la fatalité du regard judéo-chrétien, Philippe Garrel réalise un film sous acide avec une icône psychédélique appropriée : Pierre Clémenti. Celui-ci est dʼautant plus convaincant que son rôle dans Belle de jour de Buñuel, réalisé deux ans plus tôt, était diamétralement opposé. Deux manières de diriger un même acteur dans une courte période de temps. Des préoccupations religieuses traitées différemment. Le Lit de la vierge, filmé dans le vif dʼune époque, restitue les préoccupations de celle-ci. Un film à vivre et ressentir.
Cette expérience cinématographique signe aussi les débuts du groupe Zanzibar.