SLOW(ISH) VIOLENCE

FOCUS #5

ven. 18 octobre 202418.10.24
19H45—21H45
5 rue des Ecoles
75005 Paris
Tarif
Unique: 6€
Cartes UGC / CIP et MK2 acceptées

En présence de Jeannette Muñoz et Sothean Nhieim Merci à Léa Morin, David Hanan & Amir Pohan

Selon Rob Nixon dans son livre essentiel Slow Violence and the Environmentalism of the Poor, le changement climatique pousse à reconceptualiser ce qu’on peut appeler de la violence. Plutôt que les événements ou actions immédiats dans le temps, explosifs et spectaculaires dans l’espace et qui « éclatent dans une visibilité sensationnelle instantanée », il faut, dit-il, s’intéresser à un autre type de violence, pas spectaculaire ni instantanée, mais graduelle et cumulative. Les effets du réchauffement climatique seraient de cet ordre là principalement, et l’on voit cela surtout dans ces régions du monde que l’on appelle le Sud Global (l’Afrique,
l’Amérique du Sud, l’Asie, etc.). Penser la crise écologique dans les termes de cette « slow violence », c’est bien sûr reconnaître que les dévastations qu’elle provoque sont inextricables des ravages créés
à l’échelle globale par le capitalisme et le colonialisme. Mais cela pose aussi un défi au cinéma : comment représenter cette violence relativement invisible car dispersée dans le temps et l’espace ? Les films de ce programme peuvent être appréhendés comme des tentatives diverses de mettre en scène ces problèmes. Car quand même, comme dans Toxic Mango (2006) du cinéaste philippin Khavn, cette violence est représentée d’une manière plus « spectaculaire » – ici d’une façon plutôt burlesque – la vraie cause de celle-ci est toujours gardée hors-champ, bien présente mais juste en dehors de notre champ de vision. La réalisatrice palestinienne Inas Halabi prend l’insaisissabilité des réseaux de pouvoir dans la Cisjordanie directement comme sujet dans son documentaire expérimental We Have Always Known the Wind’s Direction (2019), au point où cela affecte la forme même de son enquête visuelle sur le possible enfouissement de déchets nucléaires dans la région.
Plus opaque encore, Meta-Ekologi (1979), réalisé par le cinéaste indonésien culte Gotot Prokosa, montre une performance organisée par le chorégraphe Sardono W. Kusuma dans un bidonville près de Jakarta. Petit à petit, les danseurs se font collectivement engloutis par la boue et la terre ; même, au final, cette figure un peu à part des autres, habillée en blanc et fumant une pipe, rappelant les colons néerlandais. Interdépendance des humains et de la terre ? Certain.e.s la vivent plus quotidiennement que d’autres, qu’iels le veulent ou non. On finira toustes par retourner à la boue ? Peut-être, mais certain·e.s plus rapidement que d’autres… Et même les montagnes et les pyramides finissent par être détruites, érodées par le temps et par les violences successives qu’a vécue la terre ancienne des Aztecs, comme l’évoque Piramide Erosionade (Pyramide érodée) (2019) du Colectivo Los Ingrávidos. Autre terre transformée par les opérations du colonialisme et de l’industrie, Puchuncaví (Jeannette Muñoz, 2014-2024) anciennement un haut lieu des « fiestas » mapuches, maintenant une ville de la côte chilienne mélangeant tourisme, usines, raffineries et ports de chargement. Enfin, on finit avec le film-performance Nous ne sommes pas au monde (2001) de Sothean Nhieim, où le requiem chanté en direct par le réalisateur accompagne les images de paysans cambodgiens campant devant l’assemblée nationale pour exprimer tout ce qui a été perdu, ce qui leur a été retiré.

Chargement