Glitch cinema

« Prenez un élément technologique familier et faites-en quelque chose d’inhabituel » : c’est ainsi que Nick Briz a expliqué la formule de base du Glitch Art dans l’un de ses célèbres essais hypermédias qui tentait d’introduire cette nouvelle forme d’activisme artistique numérique qui a explosé dans les années 2010. Mais cette formule n’est pas nouvelle pour de nombreux artistes qui ont perturbé les utilisations normatives de la technologie, comme les artistes de l’avant-garde des années 1920, les cinéastes expérimentaux des années 1960 ou les premiers vidéastes des années 1970. À l’instar de leurs prédécesseurs, cette nouvelle génération d’artistes aborde de manière critique le paysage actuel des médias numériques, en particulier l’idéologie technoromantique de la douceur et de la perfection perpétuée par la culture d’entreprise et de la culture de “l’upgrade”. En acceptant le bruit et l’erreur, en déstabilisant et en désintégrant consciemment l’image et le son par le biais de diverses techniques de piratage du matériel (hardware) et du logiciel (software), les artistes exposent la base matérielle de l’appareil, remettent en question le mythe du progrès, leur fonctionnalité et leur stabilité.

Ce programme de projection, conçu comme une recherche continue d’images en mouvement basées sur des erreurs, présentera sept films esthétiquement divers des années 1990 à nos jours, qui subvertissent radicalement l’imagerie et l’utilisation des appareils électroniques - des jeux vidéo (Clint Enns, Adonis Archontides), de l’imagerie des médias sociaux (Suhan Lalettayin), de la culture populaire (Juha van Ingen), à des voyages hautement abstraits dans les entrailles de l’image analogique et numérique (Rosa Menkman, Tina Frank) ou des ordinateurs (Telcosystems). Ces œuvres attirent l’attention sur la nature politique de la technologie et sur l’influence qu’elle exerce sur nos vies.

Ejla KOVACEVIC est une critique de cinéma, curatrice et chercheuse croate. Elle a collaboré avec le Festival du film et de la vidéo expérimentaux 25 FPS (Zagreb), le Festival du film expérimental analogique KINOSKOP (Belgrade) et le Glitch Art Festival Fubar (Zagreb). En tant que membre du laboratoire de cinéma indépendant Klubvizija, elle a organisé de nombreux ateliers, projections et donné des conférences sur le cinéma expérimental et photochimique. Elle est actuellement doctorante contractuelle en études cinématographiques à l’Université Paris VIII.