Édito

n°11 / juin 2010 : nullité

Nullité. Ce qui est sans valeur, sans qualité. Les choses nulles, les actes entachés de nullité. Ce qui est inutile ou encore pire invalide, impossible de valider. Celui qui manque de compétence, qui est inepte, maladroit, incapable. Ce qui relève de la disgrâce, ou bien ce qui se fait remarquer par l’absence complète de forme, de signification. Ce qui crie le vide et ne se laisse pas reconnaître, nommer, intégrer dans l’espace commun. Ce qui se veut dépourvu de tout.

Cet état si particulier de dépouillement, dont l’un des chants les plus poignant serait incarné par la figure de Jakob von Gunten, merveilleusement dépeinte par Robert Walser dans L’Institut Benjamenta, est celui auquel on se met à aspirer profondément quand on décide de faire de l’art une manière d’être au monde sous le signe de la déprise, du déssaissisement, de l’impouvoir. Décision déchirante, outrageusement exigeante, elle mènerait peut-être à une forme de renoncement qui ferait trembler les limites du partageable.

Mais, de quoi nous protége-t-elle aussi ?
Et en quoi préserve-t-elle quelque chose d’immensémment précieux au coeur de certains films, d’expériences et d’êtres dont c’est précisément l’étincelle de ce caractère de nullité, d’inutilité extrême, qui nous bouleverse ?
Que nous dit-elle, plus profondément, quel que soit l’aspect sous lequel elle se présente, des modes de construction du commun, du politique, d’un (im)possible être ensemble ?
 

Violeta Salvatierra

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