Le cinéma d’art est défait ?

par Orlan Roy

Notes sur le devenir de la culture française d’exception.
Point de vue d’un coopérateur de cinéma différent.

Le cinéma c’est, la plupart du temps, une affaire d’argent, une affaire d’affects, une affaire d’affaires. D’une certaine manière, tous les films sont produits, diffusés, loués, projetés dans des salles équipées, vus par un public qui paye sa place par différents chemins : billetterie, subventions, accès Internet, produits dérivés. On parle d’industrie du cinéma et d’industrie culturelle.
 

Et bien mesdames et messieurs,
l’industrie culturelle manque de fonds
et donc dans pas longtemps
elle pourrait bien manquer de formes.

 

Aujourd’hui, toutes les Directions Régionales des Affaires Culturelles (DRAC) reformulent leurs engagements sous les directives du gouvernement : en France, depuis un mois, tous les festivals, toutes les associations et les artistes qui travaillent à leurs œuvres et à leur diffusion se font tirer dessus à bout portant : réduction drastique des subventions, et dans le cas du Collectif Jeune Cinéma, nous avons frôlé la suppression intégrale.

Nous nous mobilisons pour que survive l’action du Collectif et des autres structures qui protègent et prolongent le travail des artistes - en les diffusant, en les défendant - au même titre que des associations reconnues d’intérêt public sur d’autres sujets.

Je pense qu’on ne peut pas se contenter de laisser de gros mono-acteurs gérer à terme la scène artistique.

On pourrait imaginer, vu d’en haut, une sorte de partage entre d’une part, un festival de Cannes chic et blindé, et d’autre part, un éventuel gros serveur web de films underground.

Mais ceci est un pur fantasme. Les logiques indépendantes continueront de se développer sous différentes formes, et pas uniquement sur le web. Des structures de diffusion sont primordiales pour donner un éclairage, un lieu d’échange et de discussion autour des œuvres.

Le point de vue que nous défendons, c’est qu’il faut offrir aux artistes une pluralité de festivals et de structures pour leur laisser le choix de ne pas penser qu’en termes de calculette et de calendrier, et surtout de montrer leurs films dans différentes conditions d’accueil tout au long de l’année, dans différents endroits en France.

Quant au Collectif Jeune Cinéma, nombre d’entre nous sommes tombés d’accord sur le fait qu’une mise en ligne des films était importante pour les programmateurs et institutions qui désirent avoir une idée du film avant de le louer, pour faciliter la navigation dans notre catalogue de 600 films. En bref, se servir d’un outil d’aujourd’hui, mais ne pas en être l’esclave.

C’est juste étrange, dans cette perspective, que l’Etat et les régions ne visent plus à favoriser les contacts humains, les séances sur grand écran de cinéma & les rencontres entre un cinéaste et un public. On sait que ces rencontres permettent aux cinéastes de travailler leurs œuvres et de ne pas se marginaliser, si leurs esthétiques sont différentes du courant dominant.

Cela permet aux publics, qui sont de vraies personnes et pas seulement des adresses mail, de continuer à découvrir des films dans des conditions de cinéma et de réagir à des œuvres de cinéma. Des œuvres de cinéma qui n’ont pas forcément accès aux comptes de soutien automatique des grandes entreprises de cinéma.

Si on ne veut pas que la vie artistique de ce pays devienne aussi vide que des fermes de vidéos gratuites abandonnées,

Si on veut qu’il reste autre chose que des disques durs archivés,

Il faut se battre.

 

O. Roy
(Coopérateur du Collectif Jeune Cinéma)

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