Je parle, je babille, je gazouille, je hurle, je chuchote, je crie, je susurre, je chante, j’entonne, je gueule, je piaille, je hèle, je grogne, je murmure, je braille, je dégoise, je jaspine, je marmonne, je marmotte, je chevrote, je prononce, je bafouille, j’écorche, je jacte, je bavarde, je déblatère, je vocifère, je beugle, je fredonne, je gémis, j’aboie, je miaule, je mugis, je gringotte, je coquerique, je rouspète, je nasille, je jargonne, je baragouine, j’a-r-ti-cu-leeee, je zézaye, je m’égosille, je glapis, je couine, je sifflote, je hulule, je postillonne, je graille, je molarde, j’expulse, je débite, j’exhale, je débagoule, je profère, je giberne, je jase, je radote, je jabote, je baratine, je laïusse, je bredouille, je déclame, je radote, je gouale, je solfie, je bourdonne, je radote, je chansonne, je jodle, je rabâche, je rognognognonne.
La voix est un puissant indicateur sur la nature des individus et sur le contexte depuis lequel ils s’expriment. Elle nous informe sur le genre, le sexe, l’âge, la position sociale, la situation géographique ou la personnalité. Elle peut décrire un physique, une taille, un poids, une profession. Elle trahit un état de santé, un état émotionnel et affectif. La voix raconte une histoire sur celle/celui qui parle et nous renseigne tout autant que son discours. Aussi personnelles qu’elles puissent paraître, nos voix sont construites par mimétisme. Nos façons de parler sont issues d’un répertoire, tout autant que notre vocabulaire se constitue de mots écrits par d’autres.
Située au centre du processus de communication entre les individus, la voix accompagne une parole, une langue, d’une dimension acoustique dite « prosodie ». Si nous attribuons une place prépondérante à cette dimension au sein de nos échanges, les combinaisons phonétiques sont en soi infinies. Le principe de mimétisme débute tôt dans une vie, à un moment où nos capacités vocales sont encore vastes et variées. Le babil en est un exemple concret chez l’enfant. Une partie de cette capacité vocale tombe dans l’oubli, au profit de l’apprentissage d’une ou plusieurs langues maternelles, dont les structures phonétiques sont réglementées et codifiées. Ce qui officialise une langue en tant que telle n’est finalement qu’une affaire de multiplication des corps mettant cette dernière en pratique, en l’oralisant.
Pour cette performance audiovisuelle, on s’attachera à ce qui déborde, à tout ce qui fait oralité sans nécessité d’y trouver un sens commun. C’est à partir d’un corpus d’archives vidéos dont je m’offre le luxe d’articuler, que l’on voyagera au sein d’une mémoire collective des voix, m’appliquant à traverser des langues convenues comme subtiles, mystérieuses voire imaginaires. Un space-trip entre bruitage, proto-langage, lettrisme, lyrisme et compositions électroniques. Synchronisation (ou presque) et interactivité (ou presque) à la clé !