Self-portrait in onnagata interpreting Ophelia

Sothean Nhieim

WP
Original title
Autoportrait en onnagata interprétant Ophélie
Country
France
Year
2020
Screening format
Digital
Duration
16'35
Shown in Competition #3.

Synopsis

Based on Rimbaud’s poem, a self-portrait dreamed of as a young girl by a man on the threshold of old age with the means of kabuki and cinema, the first queer Ophélie in the history of cinema !

Documentation

CJC

Pouvez-vous nous parler de l’Onnagata et du kabuki ?

SOTHEAN NHIEIM

Le Kabuki est l’une des trois grandes formes du théâtre traditionnel japonais , les deux autres étant le Nô ( théâtre masqué ) et le Bunraku ( théâtre de marionnettes ) . Il se caractérise par l’association de trois pratiques : le chant (ka ) , la danse (bu ) , l’habilité technique du jeu théâtral (ki ) .  Créée par une prêtresse d’un temple au XVIIème siècle , cette forme subira des modifications au gré des siècles ( notamment pour des questions de mœurs !) pour aboutir à la forme actuelle où seuls les hommes jouent sur scène : en effet , les rôles féminins sont interprétés par un homme , le fameux « onnagata » dont l’un des plus célèbres actuellement est Tamasaburo Bando V , que j’ai pu voir à plusieurs reprises sur scène à Paris ; à chaque vision , c’était un pur éblouissement ! On peut le voir aussi au cinéma : « l’étang du démon » de Masahiro Shinoda et « le visage écrit » de Daniel Schmidt , superbe portrait de l’acteur … Je tiens à préciser que je n’ai eu aucune formation d’acteur de kabuki ; par contre , j’ai pratiqué la danse khmère dont l’une des formes consiste précisément à faire danser les rôles féminins par un homme ( ce qui arrive souvent dans les formes théâtrales d’Asie ) . Pour le film , je me suis inspiré des gestes et poses de Tamasaburo (entre autres ) dans un pur élan d’admiration et de transposition . Roland Barthes dans « l’empire des signes » dit que l’onnagata n’imite pas la femme mais la signifie .


 

CJC

Pourquoi le choix d’une esthétique noir et blanc ?

SOTHEAN NHIEIM

Le choix du noir et blanc pour le film vient de mon amour du cinéma des premiers temps et des films muets ( en particulier les films de Murnau et Dreyer ) et du cinéma de Maya Deren pour en revenir au cinéma expérimental . C’est étrange : en écrivant ce texte , je m’aperçois que ses initiales (MD ) correspondent non seulement à (M)urnau et(D)reyer mais aussi à Marguerite Duras , autre cinéaste « de chevet » pour moi ! Par ailleurs , le personnage d’Ophélie m’a fait fortement penser au personnage de la princesse fantôme interprété par Machiko Kyô dans les « Contes de la lune vague après la pluie » de Mizoguchi , sommet absolu du cinéma dont je voulais retrouver le somptueux noir et blanc de la photographie .Je n’oublie pas non plus ma dette envers le Jean Epstein de « la chute de la maison Usher » , autre film de chevet …Ce film peut être perçu comme un exercice d’admiration , ou plus encore un chant d’amour à tous-tes les cinéastes , actrices et acteurs , directeurs-trices de la photo qui m’ont enchanté dans mon parcours de cinéphile !

CJC

Pouvez-vous nous parler de la genèse du film ? 

SOTHEAN NHIEIM

Ce film est un film de commande : Louis Dupont de Bulles Production m’a proposé de faire un film pour sa collection « Dix moments de …. » consacrée cette fois-ci à la littérature et son influence sur la sensibilité LGBTQI+ . Je me suis posée la question : quels textes ont bien pu me « travailler » ou m’obséder depuis ma jeunesse . Deux réponses immédiates : « Ophélie » de Rimbaud , suivi très peu de temps après de la mort d’Ophélie extrait du « Hamlet » de Shakespeare , et « Aurélia » de Nerval . Deux textes post-romantiques traitant d’amour , de folie et de mort ! A cela s’ajoute l’obsession pour le tableau de Millais « la mort d’Ophélie » , découvert avec une reproduction dans le Lagarde et Michard (livre scolaire de littérature pour les collégiens ) . Dès l’âge de quinze ans , je me suis immédiatement projeté dans ce personnage mythique de la littérature . Je me suis posé la question de ce qui reste de cette passion de jeunesse , d’où est née l’idée du film : au seuil de la vieillesse , que conserve-t-on de ses amours et idéaux de jeunesse . D’une commande assez abstraite le projet est ainsi devenu une nécessité vitale : saisir à l’instant T ( l’année 2019 ) ce qu’est devenu l’homme qui a été traversé par maints rêves de jeune fille , en empruntant aux peintres l’exercice de l’autoportrait .

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