SÉANCES RÉGULIÈRES DU COLLECTIF JEUNE CINÉMA #10 - DURAS, POUR TOUJOURS !

Thu 23 May 202423.05.24
20H00—22H00
5 rue des Ecoles
75005 Paris

DURAS, POUR TOUJOURS !

À l’occasion du 110ème anniversaire de sa naissance et de la grande rétrospective dédiée à Marguerite Duras à La Cinémathèque française, le Collectif Jeune Cinéma lui rend hommage dans une séance spéciale autour de titres du catalogue de la coopérative, inspirés par son geste cinématographique, habités par sa voix ou encore faits par ses amis proches.
Duras, pour toujours!

Cygne I.
Absis / 1976 /  12min / couleur / sonore / 35mm sur DCP / France

Rythme. Voix, autres. Plaisir.
Non pas posséder, maîtriser, mais se déplacer dans un espace blanc, immense.
Beauté du corps, de la musique, libérée du geste, de la voix, de l’écriture, de l’image. Plaisir de se créer, de créer, par la force de son propre désir.


Cygne II.
Absis / 1976 / 9min / couleur / sonore / 35mm sur DCP / France

La salle est vaste et c’est le soir. La lumière diffuse, indirecte, filtre rouge, des tentures, des rideaux de velours, mouvants, délimitent l’espace en deux. Elle est assise au premier plan, très blanche et blonde, la chevelure bouclée tenue par un peigne. Elle porte une robe blanche, laissant voir la jambe et le pied, très doux et lisse. Parfaitement maquillée, la bouche rouge, l’épaule et les bras nus. Très éveillée et tendue. Elle se caresse doucement la nuque. Et le regarde au fond sur la droite. Allongé, blessé, son visage, sa poitrine et ses pieds saignent, coulent. Il attend la mort sans souffrance. Il ne la voit pas. Il est vêtu seulement d’un pantalon blanc. Dans le fond sur la gauche, une jeune fille la regarde le regarder, et nous regarde les regarder. Sa robe est noire, échancrée sur le devant. Elle sourit, légèrement immobile et croise les bras, très droite. Tout reste figé, s’étire. Elle caresse sa nuque régulièrement. Sa main descend lentement sur l’épaule, le bras. Son visage s’éclaire, elle se lève et marche vers lui, légère, elle touche à peine le sol. Elle arrive à lui et reste debout à son côté. Il ne la voit pas, il mourra sans la voir, mais il penche la tête sur la gauche. Dans le fond, la jeune fille continue à sourire. Elle est séparée d’eux mais elle sait. Le rideau bouge légèrement. La lumière faiblit au premier plan mais augmente dans le fond à droite. Lui toujours allongé, elle debout, immobile. Elle le désire. Elle avance la main et lui caresse les cheveux. Puis elle se baisse vers son visage et pose ses lèvres au coin de sa bouche, là où coule le sang. Elle passe sa langue doucement sur la plaie. Il est mort. Sa bouche rouge pleine de son sang, elle descend lentement en effleurant sa nuque jusqu’à ses seins. Elle les mort très fort et les lèche.

 

On ira à Neuilly inch’Allah
Anna Salzberg, Mehdi Ahoudig / 2015 / 20min / N&B / sonore / 16mm / France

A Paris, de jeunes travailleurs de Vélib’ apprennent la lutte et tentent de s’organiser lors de leur première journée de grève. Par son dispositif, le film interroge aussi la relation tendue entre image et son au cinéma. “On entend l’histoire d’une première grève, celle de jeunes travailleurs de Vélib’, le service de location de vélo parisien. On voit Paris en noir et blanc, filmé en 16 mm, au petit matin. On entend la lutte qui tente de s’organiser, avec la langue des quartiers populaires. On voit le parcours de la manifestation qu’ils auraient voulu faire, jusqu’à Neuilly, banlieue riche où se trouve le siège social de Vélib’. Le film interroge deux relations : celle des jeunes des quartiers populaires et leur place dans la société, leur désir de visibilité, et celle tendue entre image et son au cinéma. Ici, le son tient la narration, tandis que l’image porte l’évocation. »


L’Homme atlantique
Marylène Negro / 2008 / 33min / couleur / silencieux / num. sur DCP / France

Dans L’Homme atlantique, que Marguerite Duras a filmé en 1981 en prenant son compagnon comme acteur, on entend sa voix sur une image complètement noire pendant trente minutes sur quarante.

Dans mon film, L’Homme atlantique se livre tout entier sur une seule image.
Dans le grand salon vide de l’ancien hôtel Les Roches noires, la résidence dans laquelle Marguerite Duras eut un appartement pendant très longtemps, ses mots prennent corps, affleurent l’image, parlent, silencieux.

On voit, sans aucune adaptation, l’intégralité de la transcription de la bande son de L’Homme atlantique (Éditions de Minuit) se « déplier » dans la langueur extrême d’une image dans laquelle on entre, s’attarde, se perd, se retrouve, se reconnaît, dans l’intimité des mots et de ce « vous » qui s’adresse à l’Autre.


Fotomatar
Dominique Noguez / 1979 / 12min / couleur / sonore / 16mm / France

Fotomatar est un mot Franco-espagnol plus ou moins inventé, qui fait penser à photomaton et hésite entre mater (en argot : regarder) et matar (en espagnol : tuer). Le film qu’il désigne joue sur la narrativité. C’est aussi un film sur la durée, sur l’apparition de la couleur (plutôt glauque) , sur le suspense – un concerto pour déclics d’appareil polaroïd et cri d’horreur. C’est un thriller expérimental.

 

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