Édito

n°5 / décembre 2008 : le retard

Le retard est-il toujours — pour celui qui le provoque ou pour celui qui le subit — un dommage ? Qu’il vienne semer le trouble dans nos emplois du temps révèle que nous ne sommes pas maîtres de notre temps, et que nous devons aussi composer avec l’imprévisible. Or, précisément, le retard peut avoir cette vertu de rendre imprévisible celui ou celle que nous attendons. De proche en proche, en introduisant une brèche dans la série de nos prédictions, en éveillant une attention qui est à la fois crispée, sur le qui vive, et dans une présence imposée à tout ce qui est là et que nous n’attendons pas, il permet aux évènements les plus simples qui font notre environnement de se montrer sous un jour nouveau, et parfois de se montrer tout court.

C’est sous le signe de l’attente que le retard est d’abord envisagé. Raphaël Bassan le met en évidence à partir de Still d’Ernie Gehr, en exposant le processus de réalisation du film : en retard sur ses aspirations de cinéaste, un jeune salarié de la Film-Makers’ Cooperative de New York se laisse surimpressionner par le temps qui passe. Gabriela Trujillo prolonge cette question du cinéma comme impression de l’attente en évoquant un film arrivé trop tard pour aboutir vraiment. D’autres films sont rencontrés dans ce numéro : Avant que ne se fixe de Fabrice Lauterjung, Entrées de secours de Jérôme de Missolz ou encore Rêves américains 3 de Moira Tierney.
C’est une joie également d’accueillir un nouveau morceau de poésie visible composé de concert par Graeme Thomson et Silvia Maglioni, et de donner à lire quelques vers de Raphaël Soatto, qui posent ce paradoxe d’un avant du temps, qui pour ne pouvoir être recherché que dans le temps, ne saurait être que traqué sans fin.

Nous nous sommes par ailleurs emparés de cette question du retard pour publier un texte qui aurait dû paraître dans le numéro deux, et qui n’a pu y figurer pour cause d’inachèvement. Un retard en acte donc, qui nous donne aussi quelque chose à entendre de ce qui s’ouvre dans toute attente. Un second retard délibéré vous est offert dans l’annonce d’une exposition qui a eu lieu le mois dernier à Pantin. Nous avons voulu profiter de cet événement passé pour recevoir une intervention de l’atelier de la Zone Opaque, premier temps d’un geste qui pourrait se continuer dans les prochains numéros, si nos agendas respectifs nous permettent, comme le dit cette expression horrible, de tenir les délais.

 

Rodolphe Olcèse

L’appel était le suivant :

Nous pouvons faire l’expérience du retard en deux sens au moins. Lorsque nous sommes en retard, et avons conscience d’y être, le temps peut sembler se précipiter, et les choses se bousculer tout autour de nous. A l’inverse, lorsque, nous attendons celui qui tarde à arriver, le temps semble se dilater, et nous pouvons le voir s’éterniser sous nos yeux. Dans les deux cas, notre absence de prises sur les événements nous fait éprouver une temporalité qui nous résiste et d’où surgissent des événements que nous n’attendions pas et en tant que nous ne les attendions pas. Qu’en est-il de cette situation appliquée au cinéma ? Ce dernier peut-il lui-même se construire où se décrire sous le titre d’une incapacité à maîtriser la temporalité ? Qu’est-ce que cela implique, si l’on considère que le temps est l’une de ses dimensions fondamentales ? Cette orientation thématique sera aussi l’occasion pour nous d’accueillir des propositions qui n’auraient pu être abouties pour d’anciens numéros d’étoilements, et qui pourraient nous dire quelques chose du retard en l’actualisant.

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