1970, le MIT prévoit par un modèle mathématique complexe l’effondrement du système monde et aboutit à la lumineuse conclusion que la croissance infinie n’est pas possible dans un monde fini.
1971, le Collectif Jeune Cinéma est créé et l’on aboutit à la triste conclusion qu’en moins d’un siècle, le cinéma était déjà devenu vieux.
1973, au Chili, la bourgeoisie fait la démonstration qu’elle se donne toute latitude dans le choix des moyens pour défendre ses intérêts.
Nous sommes cinquante ans plus tard, l’effondrement a commencé et la bourgeoisie continue de faire ce qu’elle a toujours fait. Le cinéma lui n’en finit pas de vieillir, il a même ses EHPAD de luxe, Cannes, Berlin, Venise, Sundance, etc. Alors, que peut et que doit faire un jeune cinéma ?
Saint-Just (éternelle image de la jeunesse) a répondu :
Osons !
Godard (éternelle jeunesse des images) aussi, citant Sieyès :
Quelque-chose.
Mais voilà, un marxiste ne peut penser une chose sans en interroger les conditions matérielles de sa production. Et il y a des conditions de production du cinéma dont personne ne parle, les matières premières. Le pic pétrolier sera atteint dans un ou deux ans. Et quand, dans les prochaines décennies, il faudra choisir à quoi servira le pétrole, il n’est pas dit que la production de pellicules 16 ou Super 8 soit prioritaires.
Les stocks de terres rares et de toutes les autres matières qui soutiennent la production des dites Hautes Technologies vont également vite arriver à épuisement. Enfin, il est possible que nous vivions les derniers moments de l’opulence électrique. Or comment fait-on du cinéma sans pellicule, avec un matériel informatique de basse consommation et avec peu d’électricité ?
On fait un cinéma différent !
Il y a donc un peu de lumière et le CJC peut encore croire à son centenaire car d’ici-là, les conditions de création seront rendues si difficiles que le cinéma différent, le cinéma d’expérimentation sera la forme majoritaire du cinéma dans le monde.
Seules les actuelles institutions de la domination du cinéma, d’Hollywood au CNC, de Nextflic à UGC sont amenées à disparaître. Et toutes les initiatives de création futures, solitaires ou collectives, seront nécessairement ramenées dès leur genèse, au premier de tous les devoirs, inventer une forme, car il ne sera pas possible de faire autrement. « Danser dans les chaînes » disait Nietzsche. Une promesse de libération formidable pour le cinéma donc. À condition seulement que la vie soit encore possible.
En attendant, toutes les initiatives de créations présentes, solitaires ou collectives, doivent être ramenées dès leur genèse, au premier de tous leurs devoirs, sauver tout ce que l’on peut sauver de la beauté du monde. Attention toutefois de ne pas oublier le caractère révolutionnaire de ce devoir. Car il ne s’agit pas en définitive de céder à l’esthétisation bourgeoise de la destruction mais d’esthétiser la vie même (« L’Esthétique sera l’Ethique de demain » Lénine), devenue l’ultime ligne de front dans la lutte générale contre le capital et sa promesse résolue d’anéantissement du monde.