Pour ce numéro d’étoilements, nous nous sommes interrogés sur l’idée d’insistance : celle d’une puissance créatrice, celle qui est résistance ou persistance de formes, de traces, d’une nécessité surtout, jamais comblée, de dire. En insistant, on enferme ou on libère, on produit (ou on se laisse produire) dans l’intensification. Insister donc : y revenir. Or, ce n’est pas pour autant que l’on se saisit davantage de nos faires, de nos dires ; bien au contraire, on se cherche inlassablement, on fait place à l’inconnu, le laissant ainsi jaillir.
C’est d’abord en hommage à l’œuvre inépuisable de Raymonde Carasco (récemment disparue), que cette question s’ouvre, pour mieux la faire resurgir à travers la mémoire sensible de Gabriela Trujillo. Elle se prolonge ensuite dans l’analyse du film Zorns Lemma, de Hollis Frampton, par Raphaël Bassan, ou la mise en perspective de Empire d’Andy Warhol et Macrozoom de Piero Bargellini, mettant à jour deux approches d’une expérience de l’insistance du vide dans nos vies contemporaines (et dans le cinéma d’avant-garde), d’après Dario Marchiori. Face à la nécessité impérieuse de faire partager les traces d’une histoire d’oppression et de lutte, la question des images latentes prend tout son sens au sein l’œuvre de Joana Hadjithomas et de Khalil Joreige, donnée à penser par Daphné Le Sergent. La volonté de dévoiler, de faire apparaître, liée au besoin de réfléchir aux conditions de cette apparition nécessaire, sont au cœur du travail de ces artistes, et trouvent écho dans le texte qui suit, sur la persistance de l’image manquante aux fondements même du médium cinématographique (Gabriela Trujillo).
Le texte de Rodolphe Olcèse, à partir de films de Blaise Othnin-Girard, ainsi que celui de Raphaël Soatto, soulignent, parmi les diverses formes d’insistance évoquées, celle qui œuvre dans la pratique cinématographique en tant que quête de sens toujours à préciser, à retrouver. Un telle quête nécessite d’être complétée par un ailleurs, un au-delà que le regard de l’autre viendra à chaque fois convoquer.
Enfin, étoilements veut continuer à donner une place à des écrits empruntant des formes poétiques ou fictionnelles comme celles, en particulier, des textes qui closent le numéro. Il est aussi question d’insistance, ici, sur l’ouverture à des modes d’écriture permettant d’approcher autrement le geste cinématographique, s’autorisant à le décentrer, et tentant d’y répondre par de nouveaux gestes - autant de tentatives singulières de le réinventer.
Violeta Salvatierra