Découvrir le cinéma expérimental quand on est encore enfant

Collectif

Découvrir le cinéma expérimental quand on est encore enfant

Pour fêter ce demi-siècle d’existence, nous avons demandé aux plus jeunes cinéastes membres du Collectif Jeune Cinéma d’écrire, dessiner, partager, leur expérience au sein du CJC. Nino Pfeffer, Alexia Stefanovic et Ludivine Bénézech (membres par ailleurs du comité de sélection des films de cinéastes de moins de quinze ans) ont répondu à la contrainte.

Nino Pfeffer

Il y a maintenant presque cinq ans de cela, je participai, pour la première fois, à un concours de films expérimentaux lancé par le Collectif Jeune Cinéma, sans réellement savoir de quoi il relevait. Ce n’est qu’à la projection finale des courts métrages nominés que j’ai compris ce qu’était un film expérimental, lorsque j’ai vu les images aussi belles qu’intrigantes d’une cuillère de cacao en poudre se diluant dans du lait. Ce film de quelques secondes, pourtant si anodin en surface, m’a profondément marqué (la preuve en est que je m’en souviens encore aujourd’hui).
S’il fallait définir le cinéma expérimental — chose difficile —, le mot d’ordre serait : « liberté ». Liberté de créer ; liberté de partager ; liberté de ressentir. Car si les films classiques demeurent plaisants à regarder, ils sont en revanche limités et emprisonnés par une structure et des codes stricts. Ce n’est pas le cas des films expérimentaux, dans lesquels absolument tout est permis : la seule limite est l’imagination de l’artiste. L’immense majorité des films que l’on a l’occasion de voir au cinéma s’adresse en partie à la raison. À l’inverse, le cinéma expérimental parle exclusivement au cœur.

L’utilité première de ce genre cinématographique est justement l’expérimentation, que l’on peut facilement associer à la démarche scientifique : on tâtonne, on observe, on recommence. On voit ce que ça donne. On prend le temps de créer, aussi bien pour les autres que pour soi, et si ça ne plaît pas, tant pis. En bref, ce sont les joies du cinéma sans ses travers ; nul besoin de s’encombrer d’une velléité de vraisemblance, et encore moins de se demander si le film en question aura du succès ou pas.

La brillante idée du Collectif a été de donner cette opportunité de créer aux enfants du monde entier. Je fais ici allusion aux plus jeunes d’entre eux — ceux-ci, plus que n’importe qui, ont besoin de s’exprimer, et ils le font de leur propre chef, que ce soit avec un appareil photo bon marché ou avec le smartphone de leurs parents. Participer à ce genre de concours leur offre l’occasion de partager leur travail, donnant ainsi vie à leurs œuvres. Pour les adolescent.e.s, plus âgé.e.s,les bénéfices ne sont pas moindres : le CJC leur fournit un bagage aussi bien personnel que professionnel, leur permettant de faire un premier pas dans le vaste monde du cinéma.

Il y a cinq ans, quand j’ai proposé un court métrage au Collectif (dont j’avais fait la découverte par le biais d’un membre de ma famille), je n’avais nullement l’intention de poursuivre dans le cinéma plus tard. Puis, de manière complètement inopinée, mon film a été nominé, et nous avons traversé la France avec toute ma famille pour nous rendre à Paris afin d’assister à la projection. J’ai alors goûté à des saveurs toutes nouvelles, découvrant des films tous plus admirables et surprenants les uns que les autres, et faisant la connaissance de jeunes cinéastes de mon âge. Et surtout, évènement mémorable, je me suis vu pour la première fois de mon existence sur un écran de cinéma.

Cette expérience a sans aucun doute influé sur mon désir d’intégrer un lycée proposant une spécialité « Cinéma — Audiovisuel » lors de mon passage en seconde. Mes envies professionnelles se sont confirmées d’elles-mêmes, alors que je multipliais les projets avec mes camarades et approfondissais mes connaissances en matière de cinéma. Le Collectif m’a recontacté à la fin de mon année de première, et j’ai été ravi d’avoir des nouvelles de l’association qui m’a tant apporté, et à qui je dois ce que je suis devenu. Je suis aujourd’hui admis à l’université de la Sorbonne Nouvelle, et me rappelle encore avec émoi la projection de 2016 qui a bouleversé ma vie.

On a fait ce dessin avec des amis plus jeunes en interrogeant plusieurs personnes sur ce qu’iels ont découvert au cinéma. Des souvenirs, des discussions remplies d’émotions.

— Ludivine Bénézech

Alexia Stefanovic

Qu’est que le cinéma expérimental

pour moi ? Il y a quelques mois,
le Collectif Jeune Cinéma me pose

cette question.

Après avoir longtemps procrastiné

en cherchant une manière

originale d’écrire ce texte, voici
ma réponse :

« Oh cinéma !
Que serais-je sans toi ?
Tu te réinventes chaque jour
pour satisfaire petits et grands,

Toujours plus innovant.
Mais n’es-tu pas à bout de souffle ?

La technologie te rattrape,
n’as-tu pas peur de finir
comme une vieille pantoufle ?

Non.
Car tu es expérimental.
Un cinéma qui ne s’expérimente

pas et ne prend aucun risque,
est, selon moi, un cinéma mort.

Car l’avenir se trouve dans ce que

nous ne connaissons pas encore.

Alors merci, cher cinéma expéri-

mental d’exister.
Merci de permettre aux petits
et grands d’innover.
Et merci de m’avoir inspiré,
en cherchant toujours plus d’idées pour te réinventer et te créer.
Car au fond, c’est comme si tu

avais toujours existé, mais que
tu ne seras jamais complètement

achevé. »

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