Une génération, en effet, initiée au cinéma expérimental à l’université, dans les écoles d’art. Dans les années 1990 « La nouvelle génération parisienne est complètement sortie de ses cours (de Frédérique Devaux, Stéphane Marti, Rose Lowder, Claudine Eizykman, Dominique Willoughby, Katerina Thomadaki, Nicole Brenez…) » [3]. En complément à cet enseignement théorique à l’université, des ateliers de réalisation sont proposés aux étudiants. Des ateliers d’initiation à la vidéo et des ateliers en 16 mm à Paris 8 Saint-Denis, en Super 8, avec notamment la pellicule Kodachrome 40 et sa petite enveloppe d’expédition orange pour son développement inversible, à Aix-en-Provence avec Marie-Claude Taranger par exemple. Atelier que je suis avec Bernard Cerf, qui présente Les Nazis ont été vaincus par les armes, non par la raison lors de cette 1re édition du festival.
Dans le cadre de l’UFR d’Arts Plastiques et Sciences de l’Art Paris 1 Saint-Charles, Stéphane Marti propose un atelier de formation en Super 8. Ses élèves et anciens élèves se regroupent sous l’appellation « Les Brigades S’Marti ». Isabelle Blanche, Sarah Darmon, Orlan Roy, Gilles Touzeau, Rodolphe Cobetto-Caravanes… présenteront leurs films, libérés des codes de la représentation narrative, dès la 1re édition du festival. Pour des cinéphiles plus classiques, Serge Daney et Jean-Luc Godard sont parfois une porte d’entrée lorsqu’ils contribuent à faire connaître l’œuvre expérimentale d’Artavazd Pelechian, cinéaste qui compose des films-montages très personnels à partir d’images d’archives et de plans documentaires. En 1992, Artavazd Pelechian fait l’objet d’une première rétrospective à Paris, à la Galerie nationale du Jeu de Paume, à l’initiative
de Danièle Hibon qui organise la même année au Jeu de Paume la première rétrospective des films de Jonas Mekas. Cette année-là, je suis à Paris, et comme toute apprentie cinéaste un brin curieuse, je me retrouve à une séance Scratch de Light Cone (3e coopérative française créée en 1982 par yann beauvais et Miles McKane). Je prépare mon premier film en 16 mm, 3×3, un triptyque, et, si je connais Abel Gance, c’est bien timidement que je questionne alors yann beauvais sur mon problème de synchronisme de mes trois images. Sa réponse est sans appel, quitte à expérimenter le dispositif cinématographique de projection autant oublier Napoléon [4]. Chaque projection de 3×3 allait être une plongée dans l’inconnu, à chaque fois un nouveau cadavre exquis pour mon plus bel enchantement. Nicolas Rey présente son film Opera Mundi Le Temps des Survêtements dans une projection étendue, triple 16 mm, lors de la 1re édition du festival. L’enseignement vidéo n’est pas en reste. Depuis 1981, Gérard Cairaschi est professeur à l’École régionale des Beaux-Arts puis à l’École supérieure d’Art et de Design de Reims en tant que plasticien responsable de l’atelier vidéo – film – son, chargé de l’approche plastique de la vidéo, du film et du son. Il présente une vidéo Mémoire(s) lors de la 1re édition du festival. L’art video est aussi présent dans les cursus universitaires. Je dois beaucoup à Philippe Dubois pour son cours d’initiation à l’art vidéo, en licence d’études cinématographiques et audiovisuelles à Paris 3. Son cours consistait en grande partie à visionner les œuvres des precurseurs (Nam June Paik, Wolf Vostell, Bill Viola, Gary Hill…). Une véritable révélation. L’exposition personnelle de Gary Hill au Centre Georges Pompidou est concomitante à la sortie par Sony de la Beta Num, 1993.
Si jusque dans les années 2000, la grande majorité des salles utilisait le support pelliculaire, le numérique commençait à prendre place dans les cabines de projection. Le programme de la première édition du festival indique, comme le programme de cette édition 2018, le support de projection des films. Super 8, 16, 35 mm, Vidéo Umatic (analogique) et Vidéo Beta. Depuis bien des années, les programmateurs de cinéma expérimental ont pris l’habitude d’apporter avec eux des projecteurs pelliculaires pour que les œuvres puissent être vues dans leur support original. Les projecteurs sont dans la salle, et leur son n’est pas sans rappeler le bruit d’une cuillère sur une assiette, quand il nous fait entendre, le bruit d’un marteau sur une roue de wagon d’un train pour Balbec [5]