Soirée d'ouverture, 2ème partie : Street Film + Stéphane Rives (Ciné-Concert)

Focus #5

mar. 9 octobre 201809.10.18
21H00—23H00
5 rue des Ecoles
75005 Paris

Programmé et présenté par Théo Deliyannis (CJC)

Cette continuité s’exprimera dans la deuxième partie de cette soirée, avec Street Film de Robert E. Fulton, primé à Hyères en 1979. C’est dans une version nouvellement numérisée que nous découvrirons ce film invisible depuis 40 ans. Connu pour manier sa caméra en effectuant des mouvements de taï-chi, Fulton nous fait voltiger au plus près du sol, vers ce qui d’ordinaire nous passe sous le nez sans que cela ne laisse quelque empreinte en nous. Stéphane Rives, connu pour son travail en musique improvisée et free-jazz, accompagnera le film au saxophone.

Street Film (bob. 4)
Robert E. Fulton
États-Unis
1979
16 mm numérisé
30'

À l’heure où j’écris ces lignes, Street Film de Robert E. Fulton m’est encore inconnu. Les seules traces qui en subsistent sont consultables dans l’enregistrement de l’émis-sion Screening Room de Robert Gardner, à laquelle Fulton, son grand ami, a participé à deux reprises, en 1973, puis en 1979. Lors de son deuxième passage, il était en train de tourner Street Film, qu’il n’a jamais vraiment fini. Ce film, il l’imaginait en vingt parties, numérotées bien que non linéaires. Nous en projetterons la quatrième bobine.

À sa première apparition télévisuelle, Fulton nous exposait sa technique de tournage : en ré-utilisant des mouvements de taï-chi, et en jouant particulièrement sur l’équilibre de son corps avec sa Bolex, il était capable de faire bouger sa caméra avec des mouvements qui pourraient aujourd’hui nous rappeler ceux des drones. La fluidité et les postures du taï-chi lui servaient plus à explorer le bas, le dessous, le sol, que le haut, le planant ; ce qui pourrait paraître paradoxal quand on sait que Fulton était avant tout pilote d’avion. Ainsi sa caméra nous donne l’impression d’être un avion miniature qui irait explorer le relief infini du sol, auquel le cinéma rendrait plus grande justice : il n’y aurait de gros plan que vers ce qui est en dessous de nous, les nuages et le ciel échappant à l’agrandissement par l’optique. Cette poétique du sol, du dessous, est indissociable de l’attrait pour les déchets : c’est la même curiosité, la même jouissance, qui est en jeu. Ce film, j’y suis arrivé par des recherches sur le Festival International du Jeune Cinéma de Hyères, dont la section « Cinéma différent » était dirigée par Marcel Mazé, cofondateur du Collectif Jeune Cinéma. En 1979, alors que le film n’apparaît pas dans le programme officiel, Street Film (la 4e bobine) remporte le Grand Prix, ex-aequo avec Codex de Stuart Pound. Depuis, il semblerait que le film n’ait laissé aucune trace, jusqu’à ne pas figurer au sein de la filmographie de Fulton élaborée par le cinéaste lui-même en 1981. C’est cela aussi, par la thématique du déchet, que nous souhaitons creuser, à savoir l’archéologie du cinéma, celle qui consiste à retrouver des films laissés en dehors de tout, oubliés, et pourtant bien souvent lumineux. En pratique, cela se traduit, pour cette séance, par un scan des originaux 16 mm faite spécialement pour notre festival par la Robert E. Fulton III Film Collection, qui s’occupe des archives du cinéaste depuis son décès en 2002 dans un crash d’avion.

Robert Fulton expliquait à Robert Gardner qu’il voulait que ses projections soient à chaque fois différentes, uniques : ainsi, il proposait parfois de superposer ses films avec deux, trois, projecteurs ; d’autres fois, il jouait lui-même de la musique par dessus, du saxophone plus précisément. L’archéologie que nous évoquions plus haut ne se résume pas à la mise sous verre d’une œuvre passée, mais consiste à redonner vie au film, à lui insuffler une nouvelle énergie, reprenant d’une certaine manière le dispositif de l’archéologie expérimentale. Ainsi, nous avons demandé à Stéphane Rives, saxophoniste, de sonoriser en direct le film.

- Théo Deliyannis

Stéphane Rives est musicien et compositeur issu de l’cole Normale de Musique de Paris / Alfred Cortot et chef opérateur son formé à l’Institut National de l’Audiovisuel et anciennement technicien de restauration des archives sonores. Aujourd’hui il se produit sur les scènes de musiques expérimentales (improvisation, électroacoustique, free, danse, performance et composition). Il travaille également pour le cinéma et le documentaire en tant que chef opérateur (son direct, post-production et sound design).

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