Movement / Repetition / Rhythm / Color

Focus #11

Sat 14 October 201714.10.17
18H00—20H00
5 rue des Ecoles
75005 Paris
Fee
unique : 5€
UGC / MK2 and CIP cards accepted

Programmed and presented by Prosper Hillairet

In the presence of some directors

In the mid-1970s, around the teacher-filmmakers G. Fihman / C. Eizykman, at the University of Vincennes, a group of experimentation that will dialogue with the “structural cinema” defined by P. Adams Sitney. The “Vincennes group,” which will find its theoretical expression in the journal Melba, will continue the work on the “constituents” of cinema (intermittency, framing, etc.) through the idea of a “cinematic matter” where new relationships between movement and repetition, rhythm and color will be combined.

Maine Montparnasse
Claudine Eizykman and Guy Fihman
France
1972
16 mm
12'
Black and Light
Pierre Rovère
France
1974
16 mm
7'30
La petite fille
Pascal Auger
France
1978
16 mm
9'
D’Art Moderne
Dominique Willougbhy
France
1977
16 mm
10'
Sécan Ciel
Jean-Michel Bouhours
France
1979
16 mm
11'
Trama
Christian Lebrat
France
1980
16 mm
12'

« Melba comme un claquement de ruban ». Tels sont les premiers mots d’un article, « Brillance neuronique », qui semble vouloir être comme, sinon un manifeste, du moins une pro-clamation collective des « rédacteurs – fabricants », nous nous nommions ainsi alors, dans le n°1 de la revue initiée par Claudine Eizykman et Guy Fihman1. La formule résume assez bien ce que fut cette aventure Melba, entre éclat et matérialité. Éclat de la forme et matérialité du cinéma. Double revendication du cinéma comme forme et matière, et dislocation/fracturation de la forme dans et par la matière cinéma elle-même : le ruban photogrammique. programmatique, au départ, l’affirmation de la matière film : « Nous faisons du cinéma, nous travaillons donc sur le dispositif cinématographique qui est l’intermittence, la mise en relation de 48 informations par seconde inscrites sur un ruban, pulsées par 24 jets de lumière sur un écran. C’est ici que le cinéma commence2 ».

C’est ici que le cinéma commence. Entre le ruban et l’écran. Un départ entre le support filmographique et sa projection écranique (comme deux états du « cinéma »), entre les photogrammes (la série photogrammique), entre les images et les graphes, le photographique et le plastique, la fixité et la mobilité, le rythme et la variation. Mais un autre départ est possible. Géographique, institutionnel (ou plutôt associatif, coopératif). À l’université de Vincennes, où professaient donc Claudine Eizykman et Guy Fihman, puis autour de la Paris Films Coop et de la revue Melba. Vincennes, où se retrouvaient étudiants, ou non étudiants, déjà artistes, déjà cinéastes, dans une effervescence à la fois théorique et pratique (comme on disait à l’époque), créatrice. Alors qu’au Centre Saint-Charles (de l’Université Paris Panthéon Sorbonne), Dominique Noguez promouvait une autre voie du « cinéma expérimental », principalement axée autour de la question du corps. Cinéma du corps, corps du cinéma selon sa propre expression, dont les principaux artistes étaient Stéphane Marti, Maria Klonaris et Katerina Thomadaki, Téo Hernandez, Michel Nedjar, Jakobois),… c’est donc autour de ces trois pôles (Vincennes/Paris Films Coop/Melba (auxquels il faudrait ajouter le Ciné Club de la Maison des Beaux-Arts (ciné MbXa) animé par Dominique Willoughby où furent montrés les films in progress, ainsi que le cinéma historique et les artistes et mouvements étrangers), que s’est constituée ce qui ne fut pas une « école » ni même un « mouvement » au sens où l’entend l’histoire de l’art, mais une constellation de recherches, rassemblées par l’attractivité énergisante de Vincennes et une même approche du matériau cinéma, chacun s’affirmant dans la singularité de sa méthode, de ses dis- positifs, des ses objets propres3. Chacun expérimentant.

Mais outre le départ du dispositif, ou de la dimension générationnelle, une autre piste s’ouvre : l’histoire du cinéma avant-garde / expérimental lui-même. Dans la perspective qui est la nôtre deux grands moments se présentent : l’avant-garde plastique ou du cinéma pur des années 1920 en Europe, et l’école dite « structurelle » des années 1960 aux États-Unis. Une distinction massive définirait les années 1920 comme la grande affirmation du mouvement, du rythme, de la continuité.

Des peintres, comme Survage, Eggeling ou Richter, cherchant une dimension temporelle, rythmée, en mouvement de la peinture, aux cinéastes du cinéma pur (Germaine Dulac, Henri Chomette) ou de la photogénie (Epstein), le cinéma est alors la grande force de l’universelle fluidité du monde4. À partir des années 1950, sous l’impulsion de la réflexion et des films de Peter Kubelka du cinéma comme « non mouvement » (où le mouvement écranique continu ne serait quʼun cas particulier du cinéma), va émerger une tendance définie par le critique américain P. Adams Sitney comme « cinéma structurel5 » (de cette tendance Sitney cite Michael Snow, Paul Sharits, Ernie Gehr, Tony Conrad, Hollis Frampton, Joyce Wieland et il souligne l’importance d’Andy Warhol. il distingue ce cinéma du « film lyrique », celui d’une Maya Deren ou d’un Stan Brakhage.) ; les quatre caractéristiques en sont : le plan fixe, l’effet de clignotement, le tirage en boucle et le refilmage de l’écran. Un cinéma « fondé sur la structure dans lequel la forme d’ensemble, prédéterminée et simplifiée, constitue l’impression principale produite par le film ». Un cinéma minimaliste. « L’école de Vincennes » a souvent été qualifiée de cinéma « post structurel ». Elle le fut pour une part, dans sa position vis-à-vis de la continuité/mou- vement des années 1920, et par le fait de définir le cinéma, à la suite de Kubelka, comme, « articulation », et discontinuité/mobilité (Marey plutôt que Lumière, Man Ray plutôt que Chomette6).

Mais d’une autre façon on peut aussi dire qu’il ne s’agit pas seulement d’une suite du cinéma structurel, mais aussi bien, par-dessus les années 1950 et 1960, d’un dialogue renoué, proche et distancié, avec les années 19207. À la simplicité structurelle minimaliste, l’école de Vincennes a répondu par un travail partant des constituants préformés de la structure : cadre, photogramme, répétition, mouvement de caméra,… pour en faire une nouvelle matière, la « matière cinéma », repliant les éléments sur eux-mêmes, les croisant, les superposant. Retrouvant même les questions des années 1920 : le rythme, les rapports plastiques et rythmiques, peinture et mouvement ; pour les mêler aux problématiques du structurel : immobilité/mobilité, couleur/mouvement. Ainsi les deux films phares de cette tendance, Vitesses Women (1974) de Claudine Eizykman et son travail d’entremêlement/superposition de courtes séquences photogrammiques, Ultra Rouge Infra Violet (1974) de Guy Fihman, constitué de mouvements intensifs sur place, de variations colorées continues.

Ainsi du travail, pour nous en tenir aux cinéastes de la programmation, de Christian Lebrat sur l’agencement de bandes colorées dans le cadre de l’écran produisant et des effets d’enchaînement et des effets de surimpression ; de Jean-Michel Bouhours et sa construction de rythmes par la composition de « tableaux » fixes ; de Dominique Willoughby et sa mise en relation d’images cinéma continues et d’actions graphiques et peintes sur la pellicule, réalisant à la lettre le cinémato-graphique ; de Pascal Auger et son intérêt pour les jeux répétitifs d’images s’engageant lui aussi dans des rythmes qui sont autant du cinéma que du monde. Il s’agit de cela : faire interagir les « éléments » et du monde et du cinéma, pour qu’ils s’entrechoquent, s’ouvrent et dégagent leur maximum d’intensité. Et par delà les éléments/constituants et par leur interaction, on rejoint, alors déplacées, les questions des années 1920 et leur réflexion sur les relations du cinéma avec la photo, la peinture, la musique. Et le monde8.
Car là est bien le propre de ce cinéma : superposer, mêler, les forces et les matières, du monde (que les années 1920 affirmèrent par le cinéma9) et du cinéma lui-même (que le structurel fit émerger), pour en un « claquement de ruban » faire vibrer et monde et cinéma dans leur fracturation explosante. On pourrait alors paraphraser Dulac : un art fait du cinéma, s’en évade en faisant corps avec lui. La suite de l’histoire du monde image/réseaux montra que ce cinéma avait vu, prévu, juste.

— Prosper Hillairet

1

Melba, 5 publications, from n°1 (November 1976) to n°6/7 (February 1979). The main editors, besides Claudine Eizykman and Guy Fihman, were Pascal Auger, Patrick de Haas, Prosper Hillairet, Christian Lebrat and Dominique Willoughby.

2

Parisfilmscooption, text published in the catalogue of the 1976 La Rochelle festival where, under the title "Carte blanche à la Paris Films Coop", 19 films and 31 films were scheduled.

3

Thus from this group, united and disjointed, federative in a way, we can note the following names: Pascal Auger, Dominique Avron, Yann Beauvais, Édouard Beux, Jean-Michel Bouhours, Patrick Delabre, Claudine Eizykman, Jenny Eizykman, Guy Fihman, Ahmet Kut, Christian Lebrat, Patrice Lelorain, Giovanni Martedi, Claude Postel, Jacques Postel, Pierre Rovère, Unglee, Dominique Willoughby.

4

If this conception of cinema as a moving substance is obvious for theorists/filmmakers such as Dulac or Chomette, it seems more complex for Epstein, for whom photogenics introduces a dialectic proper to the cinema of continuity/discontinuity. On the other hand, artists such as Man Ray or Fernand Léger produced a cinema of contrasting and Dadaist discontinuity.

5

P. Adams Sitney, le Cinéma visionnaire, Ed Paris Expérimental, 2002, p. 329.

6

The positions and research of Guy Fihman were essential in this primacy of Marey.

7

Two articles in Melba illustrate this "dialogue": Claudine Eizykman's article on Hans Richter's Rythme 21 in No. 3 (April/May 1977), and Christian Lebrat's Ballet Mécanique au cinéma structurel, Melba No. 4/5 (December 1977).

8

In order to keep the arbitrary division of the decade, a following generation, from Vincennes, which then became Saint-Denis, extended the 70s. I defined the contours of this generation on the occasion of the programming, initiated by Jean-Michel Bouhours, under the title Années 80 Nouvelle génération (80's New Generation), which includes filmmakers such as Jean-Claude Mocik, Jean-Claude Rousseau (who was not from Saint-Denis), Régis Écosse, Alain Jego, Jennifer Burford, Mireille Laplace. To go quickly, this "generation" often shows a renewed, displaced interest in the structural.

9

Germaine Dulac's "matière-vie", declaring that cinema is an art that "makes of reality, escapes from it by becoming one with it".

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