Chris Welsby : nature and technique

Focus #13

Sat 14 October 201714.10.17
22H00—23H59
5 rue des Ecoles
75005 Paris
Fee
unique : 5€
UGC / MK2 and CIP cards accepted

Programmed and presented by Boris Monneau

Chris Welsby, heir to the formal protocols of structural cinema, uses them to question the relationship between technology and nature. He seeks to represent nature by making it participate in the device of representation. Thus, the structure of the films reflects the phenomena that govern nature (equinoxes, earth’s rotation). The camera is operated by various measuring instruments such as the lʼanemometer, the equatorial mount, etc.

River Yar
Chris Welsby
United Kingdom
1971-1972
16 mm
35'
Anenometer
Chris Welsby
United Kingdom
1974
16 mm
10'
Windmill II
Chris Welsby
United Kingdom
1974
16 mm
10'
Seven Days
Chris Welsby
United Kingdom
1974
16 mm
20'

Chris Welsby, héritier des protocoles formels du cinéma structurel, les emploie pour interroger les rapports entre la technique et la nature. Cette dernière nʼest pas quʼun motif dans ses films, elle participe au dispositif de la représentation, tout en mettant lʼaccent sur les caractéristiques techniques du cinéma avec lesquelles elle interagit.
Il définit ainsi sa démarche : « Contrairement aux peintres et photographes paysagistes du 19e siècle, jʼai évité le point de vue objectif implicite dans les vues panoramiques et les représentations dʼespaces picturaux homogènes, en utilisant le clignotement, les caractéristiques lumineuses du médium filmique ou vidéo, et leurs technologies respectives, pour suggérer à la fois la beauté et la fragilité du monde naturel1. » Welsby cherche à sʼéloigner de la nature comme représentation paysagiste, de la vision naturaliste de la nature ancrée dans un point de vue humain, anthropomorphisée2, en favorisant une démarche et un regard plus abstraits, attachés à des éléments intangibles ou invisibles captés à travers les possibilités de la technique cinématographique de comprimer et manipuler le temps, sous lʼinfluence des concepts de la cybernétique : « Many of my experimental films and all my new media projects are based on a cybernetic model, in which the relationship between technology and nature is articulated collaboratively between two interrelated systems, of which one is mechanistic and the other is not3».

Lʼimage elle-même se présente rarement comme une unité naturelle et totale, mais affiche souvent un redoublement qui en signale le caractère artificiel4 tout en étant inscrite dans des processus naturels. Ces films explorent cette tension particulière entre « la nature mécanique prévisible de la technique et les propriétés aléatoires du monde naturel ». À ces fins, Welsby ne se contentera pas dʼexploiter lʼappareil cinématographique traditionnel, dont, fidèle à la tradition structurelle, il exposera la matérialité constitutive (en basant son travail sur le photogramme notamment), mais aura recours à dʼautres instruments annexés à la caméra, parfois fabriqués par lui. Lʼun des éléments récurrents qui représente cette intangibilité de la nature et sa mise en crise de la figuration est le vent. Welsby réalisera plusieurs films qui le font participer à la fabrication de lʼimage. Il utilise un même dispositif dans Windmill II (1973) et III5 (1974) : un petit moulin fabriqué artisanalement est placé devant la caméra, qui se réfléchit sur ses pales. Le vent actionne le moulin à des vitesses variables, il devient une sorte de second obturateur pour la caméra, actionné non plus mécaniquement mais au gré de processus naturels aléatoires, chaque fois avec un effet un peu différent.
Dans Windmill II, les pales du moulin présentent un reflet déformé de la caméra (et du cinéaste) grâce au matériau dont elles sont enduites (Melanex). La distorsion favorise un effet plus abstrait que dans le film suivant, créant une fusion des deux plans qui peut parfois évoquer les films peints de Stan Brakhage, et qui signale à la perception un troisième espace qui est celui de la surface de lʼécran.
Les différences principales de Windmill III par rapport au précédent sont lʼabsence de bande-son (le premier comprenait les sons enregistrés pendant le tournage), lʼutilisation intégrale et unique dʼune bobine de pellicule (alors que le précédent se composait de trois bobines), et le fait que le reflet nʼest pas déformé, lʼenvers de lʼimage filmée devient ainsi beaucoup plus lisible. Il sʼagit alors davantage dʼun jeu de substitution et de fusion entre les deux plans par un effet dʼintermittence ou de flicker, qui se rapproche de ce que lʼon peut voir dans les films de Rose Lowder.

Welsby fabriquera un autre instrument permettant au vent dʼagir sur lʼimage, avec un dispositif présentant ici encore un espace redoublé : dans Wind Vane (1972, dont il reprendra le dispositif en 1975 et 1978 avec Wind Vane II et III) il utilise deux girouettes quʼil a construites lui-même, sur lesquelles il a placé deux caméras qui filment en même temps dans un même espace mais depuis des points de vue légèrement décalés : les deux images se recoupent mais accusent en même temps un écart. Dans Tree (1974), la caméra est directement placée sur une branche et cʼest lʼeffet du vent qui génère le mouvement. Dans Anemometer (1974), cʼest un anémomètre qui détermine le nombre dʼimages enregistrées par la caméra en fonction de la puissance du vent. Le film a été tourné dans un petit parc londonien (Euston Square) situé près du centre de la ville. La caméra est orientée vers le sud-est, lʼon aperçoit à lʼarrière-plan une rue traversée par le trafic automobile. Lorsque le vent ne souffle pas, aucune image nʼest enregistrée, ce qui crée des effets de coupe dans la continuité du mouvement.

En ayant recours à cette capacité quʼa la caméra de comprimer le temps, Welsby réalisera également des films dont la structure est plus complexe, et qui transcrivent la nature à une échelle plus large : celle de la rotation terrestre. River Yar (1972), réalisé avec William Raban, a quant à lui été tourné depuis la fenêtre dʼun moulin à eau. Lʼon aperçoit en un plan fixe un estuaire de lʼÎle de Wight. La caméra a enregistré un plan par minute (le jour et la nuit) pendant deux périodes de trois semaines à lʼautomne et au printemps. Le film est présenté sous la forme dʼune double projection, avec de chaque côté un écran représentant une saison. La durée des jours et des nuits se synchronise au milieu du film qui correspond à lʼéquinoxe6.

Seven Days (1974) représente une durée plus compacte, mais un dispositif plus complexe. Le lieu de tournage de ce film est le bord dʼun petit ruisseau, sur le versant nord du Mont Carningly, dans le sud-ouest du pays de Galles. Les « sept jours » furent tournés consécutivement et sont présentés dans cet ordre. Chaque jour débute à lʼheure locale du lever du soleil et se termine à lʼheure locale du coucher du soleil. Un photogramme était enregistré toutes les dix secondes, pendant toute la durée du film. La caméra était montée sur une monture équatoriale, appareil utilisé par les astronomes pour capter les étoiles. Afin de rester à un point fixe par rapport au champ des étoiles, la monture fut alignée sur lʼaxe de la terre, tournant autour de son axe approximativement une fois toutes les 24 heures. La vitesse de rotation de la caméra était identique à celle de la terre ; toujours tournée vers lʼombre ou vers le soleil ; la sélection de lʼimage (ciel/terre, soleil/ombre) était contrôlée par lʼintensité de lʼennuagement, cʼest-à-dire par la visibilité ou non du soleil. Si le soleil était découvert, la caméra était orientée vers lui. Un micro directif fut utilisé pour prendre des échantillons de son, toutes les deux heures. Les échantillons furent ensuite montés de façon à correspondre – aussi bien spatialement que temporellement – à lʼimage projetée.

Notons pour conclure que Welsby se détachera du modèle de la reproduction analogique et linéaire de lʼimage constitutive de la projection dans ses installations réalisées avec Brady Marks (Trees in Winter et Tree Studies, 2006), qui reposent sur un ensemble dʼimages et de sons préenregistrés mais assemblés en temps réel en fonction des conditions météorologiques.

— Boris Monneau

1

Text available at: www.sfu.ca/~welsby/ intro.htm

2

This is Samuel Beckettʼs criticism of landscape painting, with the exception of Cézanne, in a letter of 8 September 1934 to Tom McGreevy: "What a relief the Mont Ste. Victoire after all the anthropomorphised landscape [...]. Cézanne seems to have been the first to see landscape & state it as material of a strictly peculiar order, incommensurable with all human expressions whatsoever."

3

Chris Welsby, « Technology, Nature, Software and Networks : Materializing the Post-Romantic Landscape », Leonardo – Journal of the international society for the arts, sciences and technology, vol. 44, no2, 2011.

4

The shadow of the camera and the filmmaker can be seen in Seven Days, their reflection in Windmill II and III and in River Yat. In addition Wind Vane and River Yar are shown on two screens. Welsby will also explore the possibilities of multiple screens in his installations.

5

There is no trace in his filmography of a Windmill I.

6

Welsby took up this work on the seasons in Winter and Summer (1973).

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