Well Well Well est un clip du Tigre (Kathleen Hanna, Johanna Fateman, JD Samson) pour le morceau éponyme de l’album Feminist Sweepstakes. Images un brin crafouin, satiriques, désuètes et militantes qui donnent à voir l’(ancien ?) monde du secrétariat d’un œil fétichiste : le désœuvrement du travail de bureau pousse à repenser les usages complexes du tipex, du vernis à ongles, du téléphone à touches, du mètre ruban… la morale qui n’en est pas une : avec le magazine Play Girl, du chocolat et des vinyles, la résistance sera toujours possible.
« Radio-Serpent utilise certaines figures d’un environnement, d’une mode, d’un air du temps, correspondant au début des années 1980. Quant aux décors, on notera le choix des vinyles qui s’est affirmé ces dernières années, l’utilisation des néons également, ou plus exactement des tubes fluorescents multicolores, qui sont devenus courants. » (U.) On croise Pascale Ogier en sans aucune pleine lune, mais sous les projecteurs de multiples néons posés à même le sol entre des plaques de plexiglas translucides dont les couleurs et les formes géométriques entrent en correspondance avec les motifs vestimentaires de sa tenue. Elle prend la pose en muette égérie punk-rock puis une femme androgyne la remplace ainsi qu’un homme. Un marivaudage s’esquisse entre deux bouts d’essais en costumes. Dédoublement et variations des plans, des gestes ou des déplacements font en effet penser à un casting. Le rythme syncopé, le traitement image par image, le scintillement de la pellicule renvoient à des tests techniques tout en rappelant par moment la chronophotographie. Les lieux semblent en chantier et les ciseaux abandonnés invitent sans doute le spectateur à faire lui-même un montage sur-mesure. Unglee propose un film de couturier et s’engage pour un cinéma qui, sans fiction univoque, avance démasqué.
L’art du résumé étant plus que malaisé, on pourrait se demander si celui de Polaroïd versus Roman Photo, au regard de sa perfection lapidaire, n’est pas (encore) mieux que le film lui-même. (À débattre après la séance.) le voici : « Variations autour d’une photographie de Charlélie Couture et de ses musiciens. La musique de Ruth qui accompagne le film n’a rien à voir si ce n’est qu’elle est française et de la même époque. Elle sert à souligner le fait que le matériau de départ est une image fixe qui par la magie du cinéma s’anime. Si j’osais, j’évoquerai Marguerite Duras par une citation de Laure Adler : “Ce roman, ces photos se lisent comme un roman-photo”. » (Y.-M. M.)
Time Piece est composé d’une série de saynètes dont la brièveté suggère déjà la course contre la montre, traitée au fil des fragments de façon métaphorique ou littérale. Les bruitages marquent l’influence du film d’animation. le tempo inéluctable permet paradoxalement au réalisateur et acteur principal toutes les digressions et prouesses visuelles, sonores et corporelles.
Le titre Camembert Martial Extra-Doux fait-il référence à l’esprit canaille des toiles d’Alfred Courmes, ce peintre virtuose et trop mauvais genre pour être institutionnalisé ? La boîte de fromage servant de générique au film semble le confirmer. Sa consécration dans un studio de la télévision française, rue Cognacq-Jay à Paris prend des allures de bacchanale. Le camembert semble avoir des vertus hallucinogènes. La couleur dégouline comme le produit normand des corps et des motifs. Nous assistons à un trip libertaire non pas sous acide, mais sous produit laitier.
L’expérimentation sous camembert permet de présenter le cinéma en un espace de travestissement du réel et lointain cousin des beaux arts. Les aplats de couleur « bariolée » à la tireuse optique brouillent le réalisme dominant les images en mouvement. L’humour de l’artiste pop et peintre lui-même a déteint sur la pellicule. Raysse se moque du petit écran en jouant la carte du grand guignol. Il pratique une critique martialement coulante à souhait… une bande-son hétéroclite passe d’Offenbach aux Who tandis que Jacqueline Raynal élabore une danse (dé)vêtue en une femme fleur presque timide. La réalisatrice du groupe Zanzibar et monteuse de Rohmer n’avait pas encore américanisé son prénom…
Péribole explore les « différences et répétitions par la mise en circuit de deux courtes séquences d’un western conçu pour Cinette (projecteur 16mm à manivelle destiné aux enfants dans les années 1950-1960). Ce qui se passe à la surface de l’image devient l’essentiel de ce qui est donné à voir. » (M. P.) La ritournelle d’une berceuse scande le défilement d’une pellicule abîmée par le temps où se devine un cavalier au galop. La musique confère à cette chevauchée fantastique un caractère mechanical (sic) et sempiternel malgré l’écume verdâtre due à l’érosion de l’émulsion.
Almodovar avoue être « très pudique quant à son matériel préhistorique ». Salomé est un exemple annonciateur des expérimentations plastiques des longs métrages du cinéaste espagnol. Le titre écrit dans du (faux) sang sur la faïence (d’une douche) s’efface quand de l’eau commence à couler… référence ironique à Psycho. La suite du générique est « sculpté » dans des gâteaux apéritifs et des nouilles en forme d’étoiles, le mélange du trivial et du sacré a commencé. Cette relecture d’un épisode biblique a pour décor un chantier de fouille – la thématique de l’archéologie domine. La fille d’Hérodiade danse avec des Dr. Martens blanches à lacets rouges. la chorégraphie taurine de la femme létale et de ses yeux revolver fascine Abraham puis hypnotisera Isaac. L’image même se trouble, voilant (sept fois) et supportant le désir charnel… En off, paso doble et foule en liesse. le « péplum burlesque » connaîtra évidemment une fin plus qu’improbable grâce aux pouvoirs du son indirect et du flou… olé !
— Gabrielle Reiner