Art vidéo et films d'artistes : incontournables et coups de coeur

Focus #13

sam. 15 octobre 201615.10.16
18H00—20H00
Les Voûtes
Tarif
Une séance : 5 €
Pass Festival : 15 €
Le Pass Festival ne donne accès qu’aux événements des Voûtes

Programmé et présenté par Gérard Cairaschi

Les deux pères de l’art vidéo, Wolf Vostell et Nam June Paik étaient issus du mouvement néo-Dada Fluxus, dont les caractéristiques dominantes sont l’humour et la dérision. Cette séance propose de parcourir avec des œuvres marquantes cette tendance qui s’est développée au sein de l’histoire de l’art vidéo.

STOMACH SONG
William Wegman
États-Unis
1970-1971
Numérique
1’20
SPELLING LESSON
William Wegman
États-Unis
1973-1974
Numérique
49’’
DOG DUET
William Wegman
États-Unis
1975-1976
Numérique
2’38
TENTATIVE DE DRESSAGE D'UNE CAMÉRA DE SURVEILLANCE
Jacques Lizene
Belgique
1971
Numérique
3’
AND SO ON, END SO SOON : DONE 3 TIMES
Robert Filliou
France
1977
Numérique
extrait
STEPS
Zbigniew Rybczynski
États-Unis, Royaume-Uni
1987
Numérique
25’
RÉVEILS
Pierrick Sorin
France
1988
Numérique
5’
LA TARTE AU CITRON
Joël Bartoloméo
France
1993
Numérique
5’
LACAN DALIDA
Pascal Lièvre
France
2001
Numérique
6’30
THREE-LEGGED
John Wood et Paul Harrison
Royaume-Uni
1997
Numérique
3'39
INVENTAIRE
Pauline Horovitz
France
2013
Numérique
3’20
DÉFI N°1
Pierre-Étienne Morelle
France
2001
Numérique
1’
EXPÉRIENCES...
Pierre-Étienne Morelle
France
2003
Numérique
4’10
FAIRE MONTER LA PRESSION
Pierre-Étienne Morelle
France
2005
Numérique
2’20
ILLUSORY DIZZINESS
Pierre-Étienne Morelle
France
2008
Numérique
7’30
BAROUH’HACHEM
Pauline Horovitz
France
2010
Numérique
4’50
ESCARMOUCHE
Théodore Dumas
France
2016
Numérique
12’

"Close your eyes …Open your eyes"

 

Dans Global Groove (1973) Nam June Paik, l’un des deux pères avec Wolf Vostell de l’art vidéo, nous demande de fermer les yeux puis quelques instants plus tard d’ouvrir les yeux. L’un des moments les plus drôles, parmi beaucoup d’autres, de l’œuvre de Nam June Paik.

Humour et dérision, sont les termes qui définissent le mieux l’œuvre de Nam June Paik membre fondateur du mouvement néo-Dada Fluxus. Une attitude critique vis à vis de la société de consommation, de la télévision et des médias, mais qui propose cependant toujours une vision résolument ludique, légère, optimiste et drôle de la vie.

Dada, ce sont des films essentiels de l’histoire du cinéma et des arts plastiques comme Entr’acte (1924) de René Clair et Francis Picabia pour n’en citer qu’un. Fluxus avec la série des Fluxus Films n’est pas en reste de dérision, provocation et invention de nouvelles formes visuelles. Fluxus Films dont fait partie Sun In Your Head de Wolf Vostell, considéré comme la première œuvre de l’histoire de l’art vidéo.

William Wegman, autre grand pionnier de l’art vidéo réalise, dans les années 1970, seul ou en compagnie de ses chiens, des performances burlesques enregistrées avec les tous premiers équipements vidéo disponibles pour le grand public. Images en noir et blanc, plans fixes et sans montage ; Wegman réinvestit le dispositif et les formes du cinéma des origines avec les moyens rudimentaires des outils vidéo à sa disposition.

De même Jacques Lizene, à partir des années 1970, réalise de nombreuses vidéos débridées, absurdes et drôlissimes à l’exemple de Tentative de dressage d’une camera (1971). Très peu de moyens techniques également mais tout un univers de libertés et d’expérimentations d’un nouvel outil extrêmement souple dans sa mise en œuvre.

A la même période, sur un registre très proche, le plasticien Robert Filliou réalise des vidéos construites sur des jeux complexes et cocasses entre langage et image.

A l’opposé des artistes des tous débuts de l’art vidéo, Zbigniew Rybczynski, après s’être fait une forte réputation avec des courts métrages très créatifs réalisés en Pologne avec des moyens de fortune, disposera aux USA d’équipements très sophistiqués tels que les premiers studios vidéo équipés en haute définition et outils informatiques les plus performants de cette époque. Une rareté à ce moment là dans l’univers de l’art vidéo, ce qui illustre la diversité et la non uniformité des pratiques qui constituent l’art vidéo.

Apparaissent ensuite à partir des années 1980 et dans les décennies suivantes de nouvelles générations d’artistes dont la démarche utilise pareillement l’humour, la dérision et particulièrement l’auto dérision.

Les autofilmages burlesques de Pierrick Sorin restent un grand moment de l’art vidéo qu’il contribua fortement à populariser dans le milieu des arts plastiques et pour un plus large public. Une œuvre essentielle et charnière pour l’art vidéo.

Joël Bartoloméo et ses vrais-faux films de famille ravit et captiva avec sa “saga” familiale riche de multiples gammes et registres d’humour. De la fraîcheur de scènes naïves et enfantines à des scènes d’un humour glaçant et grinçant à la limite du tragi-comique.

Pascal Lièvre dans des pastiches, reprises de performances historiques ou d’œuvres célèbres de l’art contemporain et de textes théoriques, mixe habilement culture populaire et références culturelles.

Les anglais John Wood et Paul Harrison avec de brèves vidéos, des “performances -sketches-haïkus” s’inscrivent dans la lignée d’autres couples fameux comme les suisses Peter Fischli et David Weiss et leurs bricolages incroyables ou les Anglais Gilbert et Georges avec leurs performances “pince sans rire” et leur look décalé et provocateur.

Pauline Horovitz et ses “documentaires” autobiographiques introspectifs et familiaux. Un humour et une fraîcheur du regard envers des sujets, des personnages ou des situations dont le fond ne prête pas de prime abord au rire.

L’artiste Pierre-Etienne Morelle dans des performances vidéo proche de l’art corporel et sa mise en jeu particulière du corps mis en danger, poussé à ses limites, sous forme de défis et d’expérimentations absurdes, vaines, dérisoires mais combien poétiques et critiques vis à vis des défis en tout genre dont nous submergent internet et autres médias.

Théodore Dumas qui entremêle époques et références, Baroque, Kitch, Surréalisme, art contemporain, en une sarabande aussi débridée qu’ Entr’acte de René Clair et Picabia.

Ce qui nous ramène à Dada dont Tristan Tzara disait :

” Dada n’était pas seulement l’absurde, pas seulement une blague, dada était l’expression d’une très forte douleur des adolescents, nés pendant la guerre de 1914. Ce que nous voulions c’était faire table rase des valeurs en cours, mais, au profit, justement des valeurs humaines les plus hautes.”

 Et Francis Picabia :

“Entr’acte ne respecte rien, si ce n’est le droit d’éclater de rire”

Le film Entr’acte provoqua scandale et demande d’interdiction lors de sa sortie pour des questions touchant, entre autre, à la religion qu’il lui était reproché de caricaturer…

Il est aujourd’hui un classique de l’histoire de l’art et du cinéma.

Le rire, peut être subversif et par cela l’arme que l’on fait taire (ou tente de faire taire) en tout premier lieu en période de régression des libertés.

— Gérard Cairaschi

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