Pour dire en quelques mots le pourquoi de ce titre : dans les années 1990, je commence à faire du cinéma et mes premières roulades. J’ai vu Je, tu, il, elle de Chantal Akerman et Dyketactics de Barbara Hammer, mais je n’ai pas encore vu The Watermelon Woman de Cheryl Dunye. Pour mon premier film, Quand la mer débordait, je tourne en Super 8 noir et blanc. J’y raconte une rupture, entre deux femmes amoureuses. J’emprunte la musique au Belladonna 9ch, un groupe lesbien de rock indépendant marseillais.
Dans les années 90 des deux côtés de l’Atlantique, des groupes de filles se mobilisent pour revendiquer leur présence sur une scène musicale indépendante et l’industrie de la pop. Elles y manifestent une montée en puissance des femmes, un Girls Power et une rébellion face à l’oppression, à la violence domestique, au viol, au racisme. Elles s’imposent, la Spice Mania est planétaire en seulement deux albums, les Riot Grrrls plus confidentielles, proche des mouvements DIY, des fanzines, vont marquer les esprits au-delà de la musique (avant d’être récupérées par l’industrie de la mode et les chercheurs et chercheuses de tendance), jusqu’à aujourd’hui. Voir l’exposition intitulée Computer Grrrls 1 à la Gaité Lyrique le printemps dernier.
La première partie de la soirée s’ouvre sur une programmation de cinéastes faisant quasiment toutes partie du Collectif Jeune Cinéma. Deux films drôles et colorés de Marie Losier et le film de Maïa Cybelle Carpenter offrent un regard de l’une et l’autre sur des corps et des identités non-binaires et plurielles. Tides de Amy Greenfield, ou comment mettre son corps nu à l’épreuve des vagues pour crier de joie. Une apogée de la roulade. Moira Tierney et Masha Godovannaya réunies pour bousculer et combattre un saint Patrick irlandais, chasseur de serpents. Un vent d’anarchisme avec la coréalisation d’Helena Girón et Samuel M. Delgado. Et Ayo Akingbade, une jeune artiste (pas encore membre du CJC), qui pouvait dire à propos de son film : « J’ai commencé à faire des films par nécessité. Je ne voyais pas de films ou de contenus qui se référaient à mon expérience vécue ou à celle de mes proches. Né d’une frustration envers mes études de cinéma et un certain dogme, j’ai fait Tower XYZ en sachant que c’était ma voix, l’identité d’une jeune femme anglo-nigérienne. » Déclaration qui rappelle celle de Barbara Hammer à ses débuts, à propos du cinéma lesbien.
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Laurence Rebouillon