Ce programme du Marseille Underground Film & Music Festival (MUFF) se veut une sorte de navigation : on chemine à travers les films, on y évoque tour à tour les questions du contrôle — notamment des corps biologiques et sociaux — la possibilité d’une émancipation par l’exploration et la construction de nouveaux territoires issus de l’éclaboussure, du débordement, et les enjeux de l’existence d’une matière filmique qui s’échapperait des canaux qui lui sont habituellement réservés.
On y rencontrera des cinéastes femmes et/ou queer dont les œuvres choisies abordent toutes cette idée du « liquide », avec leur propre langage et leurs intentions propres, allant d’une promenade le long d’un fleuve à l’utilisation de sang menstruel sur pellicule, en passant par de curieuses représentations pornographiques.
Écoulements, sécrétions, circulations et épanchements physiologiques ou géologiques pourront être ici vus comme évocation des écoféminismes et/ou volonté d’inscription dans une « mémoire féministe ». Mais ils seront aussi le refus d’une rétention — symbolique et littérale, de ces fluides, de ces flux menaçants — imposée aux corps et sexualités non normé.e.s, non dominant.e.s.
Ils constitueront la matière première, organique, et génératrice d’une œuvre. Des substances en liberté se superposent et s’accumulent pour créer de nouveaux paradigmes esthétiques, sociaux, politiques, pour former des paysages, en mutation, inventer de nouvelles mythologies, spiritualités ou utopies… À travers l’instabilité et l’imprévisibilité du mouvement liquide, processus sécrétoire — dont la dimension procréatrice est évacuée — et processus artistique — donc cinétique /cinématographique — sont mis en miroir non sans renvoyer à ce cinéma des marges qui anime le Marseille Underground Film & Music Festival (MUFF) depuis ses débuts, dans ce qu’il représente d’expérimentation et de possible débordement d’un cadre qui en d’autres lieux le norme et le régit.
De la théorie des humeurs à l’assujettissement des corps (assignés) « féminins », qu’on assimile à un systématique risque de trop-plein, de flots envisagés comme perte, il est question ici d’assumer le débordement dans toutes ces acceptions — se répandre au-delà de son lit ordinaire, hors de son contenant, franchir la défense adverse, être poussé plus loin qu’on ne voudrait * — pour pouvoir ensuite le générer et l’envisager comme geste émancipatoire. C’est une tentative d’évasion, de révolte, et nous voulons voir cette « fuite » non comme une défaillance mais comme un gain, un possible qui tendrait vers des formes nouvelles, des pratiques différentes, des alternatives ou un outil pour lutter ensemble face à la proposition dominante.
Alors… ouvrez les vannes !
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Ana Servo pour le MUFF