Soirée de clôture ✺

Focus #14

dim. 13 octobre 201913.10.19
21H00—23H59
5 rue des Ecoles
75005 Paris
Tarif
unique : 5€
Cartes UGC / MK2 et CIP acceptées

Programmé et présenté par Apolline Diaz et Valentin Gleyze (CJC / WYF)

1. Porn meets freaks

Le corps comme outil politique, le sexe comme arme. Cette programmation ouvre la voie aux productions (post-)porn où l’éjaculation masculine n’est plus le dessein des projections fantasmatiques produites sur le corps féminin. Cette fois, putes, gouines,queers, freaks prennent la camérapour détourner les politiques norma- tives et leur bienséance moraliste.

2. Deep outside (Performance de bruce)

Plongée en eaux troubles : scaphandre hydrophonique, abyssesscientifiques. Au fond de l’eau. À même la peau. Carnaval des animaux et freak show. Les corps argentés rencontrent les corps argentiques dans une grande hystérie pornographique. Réticules et tentacules, gonzootropes, clic clac. Contact.

1. Porn meets freaks (Contenu explicite)

Romy et Laure et le secret de l'homme meuble
Romy Alizée et Laure Giapicconi
France
2019
Numérique
6'30
Merci, Merci, Merci... / Jouir malgré tout, Opus 1
Laurence Chanfro
France
2005
Numérique
3'40
Body-Building
Ursula Pürrer et Ashley Hans Scheirl
Autriche
1984
16 mm
3'
Solitary Acts #4
Nazlı Dinçel
Turquie, États-Unis
2015
16 mm
8'10
Fuck the Fascism
Maria Basura
Chili, Espagne, Allemagne
2016
Numérique
8'30
Les égouts de l'héterosexualité
Marianne Chargois
France
2018
Numérique
11'30

2. Deep outside (Performance de bruce)

Deep outside
Bruce
France
2019
Performance
30' approx.

1. Porn meets freaks

Des corps comme des machines de sexe, contre des machines de guerre. Qui vibrent et grondent sous la terre, prêts à sauter, à faire exploser, et à s’éclater contre les murs. Autant que ce soit dur, que ce soit brut, cru, sans retenue. Qu’on y fasse jaillir tous les gestes défendus, d’autant de corps détenus. Entre ces murs qui limitent, qui délimitent, qui structurent, qui cartographient des territoires physiques comme psychiques : les territoires de nos corps dépossédés, démunis, rendus impuissants par un système d’intervention, d’exploitation et d’extraction. Ils s’érigent fièrement, comme des drapeaux énonçant leurs propres lois, pour dire tes droits. Ceux d’être ou ne pas être, dans tel endroit, ou de rester à celui-là. « Reste là, toujours à ta place, bien droit ».

Ceux-là même qui dictent ta voie, depuis leur voix. Autant de voix qui camouflent les corps, qui bouchent la gorge, qui étouffent les pores de ta peau. Des voix qui se projettent en images, fruit des fantasmes colonisant les esprits et les corps. Elles viennent inscrire autant d’identités inappropriées à nos subjectivités aliénées. Et pour se défendre contre toute résistance, se protéger de toute désobéissance, les récits visuels de nos libérations sexuelles ont dû être rapidement maitrisés.
La pornographie est devenue un outil politique dénigrant nos sensibilités individuelles, dictant les lois de nos désirs, contrôlant les images produites sur nos corps, sur nos sexes et nos sexualités.
Sales étaient ceux et celles/celleux qui y étaient figuré.e.s, car libéré.e.s, mais toujours plus méprisé.e.s et marginalisé.e.s. Nous avons dû répondre par la bonne tenue, par la retenue de nos désirs, et de nous dire, de nos plaisirs.
La pornographie est devenue alors obscène (ob/scene) : son lieu sera hors scène. La technologie photographique s’est ajoutée comme un nouveau moyen de capturer et s’emparer de nous, désormais objets qu’on sexualise, qu’on érotise. On les anime et les active sous le mouvement de la caméra. Un mouvement continu, un va-et-vient interminable. Une frénésie imperturbable comme un sexe qui parle.
Ailleurs, d’autres ont trouvé le moyen de capturer l’image et transformer le stigmate. Obscène est l’image. Obscène est ce qui est hors-scène et mis en scène. Obscène est le porno car il met à nu… Nus sont désormais tous ces regards qui ont bandé sur nos corps, sur nos sexes. Tous ces fantasmes projetés et ces voix qui ont trop parlé, qui se retrouvent affiché.e.s, exposé.e.s, pour enfin laisser place à nos propres subjectivités et nos désirs animés.
Nos corps, nos sexes, nos sexualités sont autant de fictions politiques à exposer, à exploser, autant de visions à affronter et confronter. Bousculer, perturber, éclater et surtout s’éclater.

Prendre du plaisir et jouir. Baiser par tous les trous et parler mal. Au risque d’être crade, sale… Étaler notre crasse.
Toujours impropres et malpropres, suintant.e.s et puant.e.s. Abjects sujets indécents contre ces dominant.e.s bien-pensant.e.s et bienséant.e.s.
Depuis nos corps en feu, brûlant sous le nitrate… les langues se délient, les gorges se déploient, les lèvres se mouillent et la parole se mue en crachats d’immondices qui éjectent les produits abjects des politiques…
Nous avons ravalé ces mots, pour soigner nos maux.
Alors nous choisirons de devenir… Putes, chiennes, gouines, pédé,queer, cuir, freak. Car « notre sexe est une arme chargée de mercure » et l’ennemi guette pour nous baiser.1


Apolline/Lawrence Diaz

1

Torres. J. Diana, Pornoterrorisme, Gatuzain, Paris, 2017

2. Deep outside

Futur parallèle
Printemps silencieux
Ventouses poussent
Sur le corps

Science fiction
Science freak show

Déviance friction

 

Deep outside propose une relecture queer et féministe de pouvoirs/savoirs produits à travers des technologies du voir. C’est une certaine histoire du regard. Celui des dominants sur les dominéEs. Depuis Charcot et l’obsession photographique pour les showgirls hystériques, jusqu’aux bathyscaphes de Cousteau en passant par la transparence des aquariums de Painlevé, c’est une plongée dans les profondeurs qui s’opère. 20 000 lieues sous les mers, 20 000 sondes dans les corps.

Caché derrière l’objectif ou la vitre, scalpel ou pince en main, à l’abri dans des sous-marins, lampe braquée sur des yeux aveuglés ou des profondeurs inexplorées, le scientifique maîtrise le regard. Produisant des objets de savoir, il exhibe des créatures qui n’ont aucun pouvoir sur leur image. Gros plans, zooms, microscopie. Mesures, tests, nosographies. La Science blanche et patriarcale classe et fabrique de l’altérité à la chaîne.

En s’attachant plus particulièrement à la production de la féminité et de l’animalité par ces dispositifs optiques, Deep outside propose de re-voir les corps filmiques. Réitérer ces images c’est les réagencer, les répéter pour les rendre étrangères à elles-mêmes. Cette différence dans la répétition est un geste queer de détournement : il ne s’agit pas de reproduire mais de délier, relire. Ce palimpseste nous invite à imaginer des utopies en décentrant le regard.

Écrire l’Histoire : pourquoi ? pour qui ? Il y a tant d’histoires à se raconter, tant de films à se faire. Traversant ces fictions scientifiques, Deep outside fait le pari de la science-fiction. Imaginer le film et l’écriture comme une utopie en marche, la production d’espaces autres, de dehors qui se multiplient. Pervertir la dureté de la science par l’évanescence de la fiction, penser l’horizon plutôt que le profond. Pour la communauté éphémère d’une salle de cinéma.


bruce

C’est à travers l’activisme dans des associations de lutte contre le sida que bruce rencontre les théories et pratiques queer et féministes. Militant également dans son activité de cinéaste, il s’attache à faire vivre des cultures minorisées, des personnages et des corps souvent invisibilisés dans des projets de fiction. Son goût pour les contre-cultures et les cinémas de genre l’amène à mêler à ses préoccupations politiques des enjeux esthétiques souvent marginalisés. Réalisateur de 7 courts- métrages, il travaille actuellement à l’écriture de plusieurs projets de films de genre queer. Co-créateur des soirées trans Shemale Trouble, il est également DJ résident au sein du collectif Mouillette.
C’est en tant que personne trans qu’il met en place des dispositifs créatifs où les sans voix prennent la parole, où les anormaux regagnent le pouvoir sur leur corps et leur image. Deep outside est une histoire parmi d’autres, un fil qui tisse et (d)écrit des imaginaires hybrides.

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