Pierre Bressan, né en 1956, décédé en 2011. Cinéaste originaire de Nancy, à la carrière courte mais intense. 1976-1985, un long métrage de commande, deux moyens, six courts métrages, et une performance de cinéma élargi. Parallèlement, il est programmateur cinéma au FUFU (Festival Universitaire du Film Underground) à Nancy. Comme les rencontres de Rennes, de Toulouse, Cinémarge à La Rochelle, la section Cinéma Différent du festival d’Hyères, ces festivals nous rappellent que l’expérimental se faisait aussi, et surtout, en dehors de la capitale.
Personnage très discret, dandy sombre, Pierre Bressan construit, au fil de ses films, un univers extrêmement cohérent, très noir, gothique même, où il laisse libre cours à son goût pour les poses stoïques, schroeteriennes, les pièces vides et étrangement éclairées, les costumes noirs, un temps en suspens, sous-exposé, et des lumières nancéennes. Bien que son œuvre soit très singulière, on pourrait la rapprocher d’autres films de l’époque, que ce soit des adaptations de Poe par Roger Corman, des films de ladite École du corps, ou encore du cinéma de la pose : Philippe Garrel, Yvan Lagrange, Denis Develoux ou encore Patrice Énard.
Notre programmation, nous l’avons voulue chronologique, car les films de Pierre Bressan s’accommodent bien de cet ordre : son univers se peuple petit à petit, se perfectionne, des détails surgissent. Nous irons jusqu’à La Dame aux Camélias, première incursion réellement fictionnelle, réalisé après avoir soutenu un mémoire en littérature sur Alexandre Dumas fils. Ensuite, il réalisera Nuits Blanches, qui ne sera pas projeté lors de cette séance, un étrange polar expérimental se déroulant à Nancy, dans des teintes jaunes, dont la maîtrise technique nous donne parfois l’illusion d’une face B d’un film hollywoodien, et qui a été primé à Clermont-Ferrand ex-aequo avec le premier film de Leos Carax.
Après ces films, Pierre Bressan travaille encore dans le cinéma, en faisant l’image sur certains courts métrages, dont le premier film de Laetitia Masson, produit par le GREC, où l’on retrouve aisément la patte de Bressan. Puis, il disparaît : de Nancy en premier, puis du milieu du cinéma expérimental. Ses films s’éclipsent avec lui, bien emmitouflés, au sec dans une cave. À sa mort, en 2011, sa sœur récupère les copies qui, fait notable pour un cinéaste expérimental, sont parfaitement rangées et annotées.
Pourquoi a-t-il aussi soudainement arrêté de faire des films, difficile à savoir. Une hypothèse tout de même : Pierre Bressan est un de ces rares cinéastes romantiques pour qui filmer représente tout, et pour qui chaque tournage est éprouvant car il demande un investissement total, proche de la folie. Bien à rebours de cinéastes qui filment à la demande, ou parce que les sous sont là, il est de celles et ceux qui ne filment que lorsque le désir est intense, brûlant. Et ce feu-là dure rarement longtemps : il y a alors le besoin d’arrêter, de prendre du repos, de retirer ses films de la circulation, pour un temps du moins. Dix ans après son décès, il est temps de leur redonner vie.
— Théo Deliyannis