Esthétique du signal, une panoplie du hacking filmique

Focus #2

ven. 8 octobre 202108.10.21
20H00—22H00
4 rue de Freiberg
94250 Gentilly
Tarif
Gratuit

Programmé et présenté par Bidhan Jacobs

Depuis 1990, dans le champ des arts filmiques, un soulèvement artistique s’est produit pour battre l’audiovisuel numérique sur son propre terrain : le signal. Cette programmation présente des lignes de force de ce courant spontané et collectif d’artistes du monde entier qui découvrent les opérations internes des machines, apprend leur langage et enrichit un arsenal technique capable de s’emparer du signal filmique, offrant la possibilité de penser ensemble les supports audiovisuels dans leur continuité et simultanéité.

Pré-programme sur écran LED

FLIP
Juha van Ingen
Finlande
2016/2021
GIF
2'
999/999/1
Davorin Marc
Slovénie
2015
Numérique
3'
PIKNIK (25 seconds per frame)
Davorin Marc
Slovénie
2013/2014
Numérique
11'

Programme (en salle)

Radar
Augustin Gimel
France
2001
Vidéo numérisée
2’
1305
Augustin Gimel
France
2001
Numérique
2’
Le Soleil de Patiras
Jacques Perconte
France
2007
Numérique
3’15
Red Shovel
Leighton Pierce
États-Unis
1992
16 mm numérisé
8’
Dendromité
Karine Bonneval
France
2015
Numérique
10’20
Le Silence est en marche
Pierre-Yves Cruaud
France
2001
Vidéo numérisée
3’30
(DIS)integrator
Juha van Ingen
Finlande
1992
Vidéo numérisée
3’55
Afterimage Selves
Sabrina Ratté
Canada
2014
Numérique
4’
Esquisse pour un portrait de Gilberte Swann
Gauthier Beaucourt
France
2019
Numérique
6’
Arvore da vida
Jacques Perconte
France
2013
Numérique
10’
Volto Telato
Paolo Gioli
Italie
2002
Vidéo numérisée
2’
Repeat Until Love and Loss Overload
Roxane Billamboz
France
2007
Vidéo numérisée
2’20
In Film/On Video
Ignacio Tamarit
Argentine
2018
16 mm numérisé
3’15
Wound Footage
Thorsten Fleisch
Allemagne
2003-2009
Vidéo numérisée
6’
Ncorps
Jacques Perconte
France
1999
Numérique
11’

Esthétique du signal, une panoplie du hacking filmique

« Le piratage n’est donc pas propre à l’informatique, il existe partout où il y a des règles. Pour pirater un système, il faut mieux connaître ses règles que ceux qui les ont définies ou les appliquent, et exploiter la distance fragile qui sépare le projet initial de la façon dont il fonctionne réellement ou peut être mis en œuvre. En tirant parti de ces utilisations involontaires, les hackers contreviennent moins aux règles en vigueur qu’ils ne les discréditent. » — Edward Snowden, Permanent Record, 2019

 

Depuis 1990, dans le champ des arts filmiques, un soulèvement artistique s’est produit pour battre l’audiovisuel numérique sur son propre terrain : le signal. Ce dernier est l’essence même du son et de l’image numériques : de l’information codée, matérielle et invisible à l’œil nu — électrique, électronique ou électromagnétique — circulant à travers le hardware de l’âge du Web (caméra, ordinateurs, fibres optiques, serveurs, écrans, projecteurs, haut-parleurs, antennes, ballons et drones stratosphériques, plateformes haute altitude, satellites, etc.), et saturant d’ondes l’espace de nos existences comme l’atmosphère terrestre. Le traitement du signal est l’ensemble des méthodes algorithmiques qui permet de codifier, transmettre et d’interpréter les signaux porteurs d’information. Son accès, d’une importance capitale, fait l’objet d’une spoliation. Ainsi, certain.e.s artistes sont-ils sensibilisé.e.s au paradoxe mutilant suivant : d’un côté les outils numériques professionnels et grand public sont construits comme des « boîtes noires » — des systèmes fermés dont le fonctionnement sophistiqué interne est tenu secret — au cœur desquelles le traitement du signal est soigneusement rendu opaque et inaccessible. De l’autre, les entreprises privées et les services d’intelligence des gouvernements disposent d’une puissance technologique évolutive d’interception et d’investigation des signaux pour mener leurs opérations de surveillance et de profilage à l’échelle planétaire. Comment, dans ces conditions, développer une recherche artistique libre, sensible et exigeante ? Cette séance propose de dégager quelques lignes de force d’un courant spontané et collectif de cinéastes du monde entier, qui, récusant cette asymétrie des moyens, découvre les opérations internes des machines, apprend leur langage et enrichit un arsenal technique capable de s’emparer du signal filmique.

Les supports technologiques, traditionnellement analysés selon leurs spécificités intrinsèques, convergent. En effet, inventeur.ice.s, ingénieur.e.s et scientifiques conçoivent le fonctionnement des dispositifs d’obtention et de diffusion des images et des sons selon les mêmes grandes opérations depuis 150 ans et assimilables à ce que nous nommons la computation du signal : d’abord, la détection des ondes lumineuses et sonores et leur conversion en signal ; ensuite, la codification du signal ; enfin, la reconstruction du signal en lumière visible et son audible pour le spectateur. Le signal filmique permet de penser ensemble les supports audiovisuels (optique, argentique, vidéographique, numérique) dans leur continuité et simultanéité. Ainsi, rétrospectivement, et depuis le numérique, les technologies filmiques peuvent-elles être réinscrites dans l’histoire des télécommunications. Le signal filmique, hautement normalisé, véhicule une idéologie techniciste. À la computation du signal, les artistes opposent une intelligence du signal qui procède simultanément à une critique de la technologie programmante qui vise aux libérations du code et des normes de visualité, autrement dit, des plasticités du signal.

Les trois grands domaines d’investigation du signal peuvent être nommés : augmenter la détection (pour l’améliorer et l’amplifier), hacker la codification (pour lutter contre les conceptions que les industries techniques se font du traitement du signal), recoder la reconstruction (afin de la complexifier).

L’intelligence du signal développée par les artistes, traversant toute l’histoire des arts filmiques, dénote un enjeu à la fois technique, éthique, politique et esthétique. L’intelligence du signal mène à l’appropriation créative des technologies, condition d’une émancipation artistique possible.

— Bidhan Jacobs

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