Les Productions Aléatoires

Focus #8

mar. 12 octobre 202112.10.21
18H30—20H00
2 rue du Cinéma
75001 Paris
Réservation
Tarif
Une séance : 7 €
Deux séances : 10 €
réduit (une séance) : 5.5 €

Programmé et présenté par Laurence Rebouillon

En 2000, Bernard Cerf, Philippe Lebret et Laurence Rebouillon créent Les Productions Aléatoires pour produire leurs films et défendre un cinéma différent, expérimental et engagé politiquement, aider des films sans financement pour qui le scénario n’est pas le plus important. En 2004, le CNC ouvre enfin au cinéma expérimental la contribution financière aux courts métrages. LPA encourage alors les cinéastes du CJC «à déposer un dossier». La programmation de ce soir donne un aperçu des films ayant bénéficié de cette aide et d’autres, réalisés dans l’urgence, répondant à un désir ou une nécessité immédiate.

Faux Mouvements
Pip Chodorov
France
2007
16 mm
12’
Ciao Bella Ciao
Laurence Rebouillon
France
2002
35 mm
7’
L’absence
Philippe Lebret
France
2009
35 mm
16’
Plume
Cécile Ravel
France
2010
35 mm
20’
Reste-là
Frédéric Tachou
France
2006
35 mm
12’
K (Exil)
Frédérique Devaux
France
2008
16 mm
4’
Avril 99
Bernard Cerf
France
1999
35 mm
7’

Les Productions Aléatoires présente

En 2000, Bernard Cerf, Philippe Lebret et Laurence Rebouillon créent Les Productions Aléatoires pour produire leurs films et défendre un cinéma différent, expérimental et engagé politiquement, aider des films sans financement pour qui le scénario n’est pas le plus important. En 2004, le CNC ouvre enfin au cinéma expérimental la contribution financière aux courts métrages. LPA encourage alors les cinéastes du Collectif Jeune Cinéma « à déposer un dossier ». La programmation de ce soir donne un aperçu des films ayant bénéficié de cette aide et d’autres réalisés dans l’urgence, répondant à un désir ou une nécessité immédiate. (Bernard Cerf aurait voulu montrer plus de films, mais la séance n’est pas extensible et j’ai fait un choix).

Au départ LPA c’était une bande de trois amis, qui voulaient mettre en place leur propre dispositif de production, dans le but de FAIRE, sans attendre d’écrire et de réécrire sans cesse un scénario, une note d’intention, que nous demandaient alors les producteur.ice.s que nous approchions avec notre désir et passion du cinéma.

Le premier acte créateur a été Le Sourire d’Alice, moyen métrage de 45’, financé par mes propres fonds, tourné en Super 8 et diffusé en 16 mm. Sans scénario, une caméra Super 8 en bandoulière pendant près d’une année (1999-2000). Diffuser en 16 mm ou en 35 mm était alors le seul moyen de montrer son film dans des festivals qui se déroulaient dans des salles de cinéma. Au générique du Sourire d’Alice, « Les Productions Aléatoires présente ». Remarqué en festivals et acheté par Arte, ce film apparaît comme un OVNI auprès des autres cinéastes de court métrage d’alors. Le film détonne par sa liberté de ton et de forme. Une autofiction narrative (dans l’air du temps) mais malmenée, tournée dans tous les sens, affichant une orientation sexuelle lesbienne assumée et motrice des récits amoureux et des introspections qui innervent le film sans beaucoup de chronologie. Les festivals un temps surpris n’ont pas mis longtemps à inscrire les films expérimentaux, qui se mettent alors à surgir, dans des sections spécifiques, à l’instar de la Compétition Labo de Clermont-Ferrand ou Essai/Art Vidéo de Côté Court à Pantin.

Avec LPA, nous voulions aussi nous inscrire dans l’économie, en créant une SARL pour accéder aux financements du CNC et des Régions, obtenir des visas d’exploitation pour pouvoir sortir les films en salles. Comme pour Crime de Vincent Ostria (63’, 2010) dont Bernard Cerf organisa la sortie nationale, avec attaché de presse, notamment au cinéma l’Entrepôt, Paris 14e. Montrer que les films expérimentaux avaient leur place au sein de la production du cinéma français d’auteur, glisser un caillou dans une machine bien huilée, comme pour exemple, signer des contrats d’auteur à 80% pour la·le cinéaste et 20% pour la production. Nous n’avons jamais eu l’intention de gagner notre vie avec LPA. Comme mon engagement au CJC et Bernard au festival, notre démarche était militante, romantique.

À la création des LPA toutes les structures françaises du cinéma expérimental du CJC, Light Cone, Paris Film Coop, L’Abominable, Mire, demandaient des subventions auprès des institutions pour leur association. Il nous semblait alors logique de demander des financements pour faire des films. Les vieilles querelles des années 70 pouvaient réapparaître. Néanmoins en 2004, le CNC ouvre la porte au cinéma expérimental au travers de la contribution financière au court métrage (la case nommée « expérimental » dans leur formulaire à cocher apparaît. Case qui disparaîtra au profit de la case «Essai» favorisant plutôt les documentaires). LPA propose alors à des cinéastes du CJC de les produire et de solliciter cette aide. Nous avions des alliées dans cette commission, et notamment Nicole Brenez.

Faux Mouvement de Pip Chodorov, Plume de Cécile Ravel, Reste-là de Frédéric Tachou et K(Exil) de Frédérique Devaux aux dossiers de présentation plus étoffés ont aussi bénéficié de cette aide. Une dizaine de films produits par LPA recevront une somme de 20 000 à 35 000€ investis dans la fabrication des films. Les conseils régionaux de Bourgogne, des Pays de la Loire, du Limousin, de PACA, d’Île-de-France complèteront certains plans de financement.

Cet apport financier ponctuel, ne change pas les démarches expérimentales de ces quatre cinéastes qui poursuivent leurs travaux en pellicule, à la tireuse optique, à l’exposition. Travaux généralement entrepris à l’Abominable. Faux Mouvements prolonge les recherches commencées dans Charlemagne 2 : Piltzer, (pour moi chef-d’œuvre absolu du cinéma expérimental et du cinéma tout court) autour de la perception. Dans Faux mouvements, le mouvement en avant et en arrière se fait en même temps et le mouvement dans des directions différentes est combiné. Nous percevons ainsi le mouvement dans des images qui sont, en fait, statiques.

Reste-là, à travers un système de cache/contre-cache disloque l’univers familier, brisé par la mort du père. Réalisé à l’Abominable jusqu’au montage négatif, il est tiré en 35 mm dans un laboratoire professionnel.

K(Exil) appartient au cycle des K, documentaire réalisé à partir de 2003, sur la question berbère.

LPA produira deux films de cette série, K(Rêves Berbères) et K(Exil), avec une aide à la musique de Djamal Tareb, réalisée pour ces courts documentaires. K(Exil) est composé d’images de femmes et d’enfants restés seuls au pays, au moment de l’exil des hommes. Dans les vues, jamais entières (soit découpées, soit morcelées en entrant dans l’image) alternent positifs et négatifs, complémentaires ou contradictoires, pour rendre sensible le déchirement des populations restées au pays et abandonnées sur une terre ingrate. Sur les « jointures », comme les nomme Frédérique, des mots en kabyle ou en français sont gravés, grattés sur la pellicule, faisant écho aux deux voix off masculines de Rachid Adel et Michel Amarger.

Cécile Ravel peut, entre autres, avec cette aide financière, transférer son film Plume de 20’ directement du Super 8 au 35 mm dans un laboratoire professionnel (opération très coûteuse, même à l’époque). Cécile ne pouvant assister à la projection de sa copie, sortie tout juste du bain, c’est moi qui me retrouve dans la salle de projection de Cinédia à vivre un des plus beaux ravissements argentiques de ma vie. Peu de temps avant j’avais renoncé à transférer en 35 mm les multiples plans de West Point (tourné à 24i/s mêlant S8 et 16 mm), préférant faire un kinéscopage des 57’ du montage final. L’aide du CNC pour West Point permet d’obtenir d’autres financements, de la Région PACA, de la Région Île-de-France et d’un préachat de France 2 (Christophe Taudière responsable des acquisitions, préachète cette même année 2006 le moyen métrage (distribué par le CJC) À une enfant qui danse dans le vent de Marc Barbé, produit par la société La Vie est Belle. Une année exceptionnelle que seul Ravachol de Bernard Cerf a pu reconduire. Ces financements pour Plume, West Point et Ravachol permirent aussi de rétribuer « correctement » les comédien.ne.s et technicien.ne.s présent.e.s et fidèles à nos films fauchés.

Enfin Avril 99 de Bernard Cerf ou Ciao Bella Ciao, sont des films tournés dans l’urgence, mêlant l’intime au bruit et à la fureur du monde. Les guerres en Ex-Yougoslavie et la montée du FN en France. Ciao Bella Ciao appartient à la série Réactions au 21 avril 2002, 7 films politiques réalisés entre les deux tours de l’élection présidentielle de 20021. L’intime, où le sentiment amoureux ou filial est éprouvé dans la perte. Thème qui traverse L’Absence de Philippe Lebret, film d’urgence différée d’une dizaine d’années déchirantes. Articuler des films de la marge, des films fragiles et surtout permettre le geste créatif et courageux de faire, une devise au cœur des LPA de sa création jusqu’à aujourd’hui.

— Laurence Rebouillon

1

Réaction au 21 avril 2002 : Le ventre est toujours fécond de Pierre-Jean Bouyer, Le Brâme de Cerf de Bernard Cerf, Sans Voix de Philippe Lebret, Cette mauvaise réputation de Gaëlle Petit, Ciao Bella Ciao de Laurence Rebouillon, Petit matin de Frédéric Tachou.

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